Le film peut sans problème occuper sa digne place dans le
sillon pourtant déjà bien creusé par Rossellini avec ses premiers films
néoréalistes tournés au cœur du drame de la Seconde guerre mondiale (Paisà, Rome ville ouverte, Allemagne année zéro). Même
esthétiquement, c'est du même tonneau. À vrai dire, j'ai été surpris de
découvrir après coup qu'il datait de 1960, tant on a vraiment l'impression de
vivre une actualité encore brûlante pour l'Italie, y compris dans l'aspect technique du film.
Le cinéaste fait un nouveau portrait absolument sublime de
femme forte (magnifique Giovanna Ralli), sans aucun angélisme. Ce n'est
évidemment pas innocent s'il nous la fait d'abord apparaître sous les traits
d'une nonne avant de révéler qu'il s'agit d'un jeu de dupe et qu'à ce stade
pour elle, face aux nécessités cruelles de la guerre et de ses privations, la
fin justifie les moyens. Car même si la victoire des Alliés est imminente,
l'avenir reste incertain et la botte fasciste n'a pas l'intention de se
retirer. Les personnages vont véritablement être acculés, sommés de choisir
puis d'assumer ces choix, au prix de tragiques sacrifices.
J'ai été un peu gêné au début par les interprétations plutôt
mollassonnes des trois officiers étrangers en cavale, qui de façon
improbable conservent leurs tenues militaires alors qu'ils devraient rester
discret. Mais en travaillant une nouvelle fois sur la durée — le film fait plus de 2h — Rossellini
réussit à nous faire partager les existences de cette petit communauté, dont les
relations vont évoluer au fil des mois, où la vie reprendra même parfois ses
droits, petite lueur de joie au sein d'une sombre époque (très belle soirée de
Noël). Un peu à l'image du personnage de Renato Salvatori, irrésistible et
drôle, et comme échappé d'une comédie italienne, mais pas ridicule pour autant. Le film prend ainsi les proportions d'un
vaste tableau, touchant d'humanité. L'amitié entre les trois soldats, américain, anglais et soviétique, est en soi une
ode courageuse à la fraternité et à la paix, surtout pour le public de 1960.
La Prise de pouvoir par Louis XIV, 1966
La chronique de ce téléfilm tourné par Rossellini pour l'ORTF, mais distribué en salle en France, a été précédemment publiée sur DVDClassik...
Socrate, 1971
Produit par la RAI dans la continuité des productions télévisées pédagogiques de Rossellini, et précédant ses Pascal et Descartes, ce téléfilm pêche un
peu par son manque de moyens. Pour figurer l'antique Athènes, le réalisateur est contraint d'utiliser un pauvre village espagnol aux maisons de pierres bien anachroniques. Il y a
bien une esplanade avec des temples à colonnes et une maquette du Parthénon, mais
dès que les personnages s'éloignent un peu, le paysage ne dupe personne. Détail
amusant, certaines maisons ont été repeintes entre deux scènes pour donner l'illusion d'un autre
lieu. Les quelques plans de foules sont eux aussi bien rigolos quand on
s'attarde sur le manque de conviction des figurants aux arrières-plans (si on est un spectateur un peu pervers).
Évidemment, pour Rossellini comme pour Pasolini approchant le monde antique, le faste de la reconstitution n'est pas la préoccupation première. L'essentiel est bien dans le texte et les
dialogues, dans la transmission des idées, d'une voix. Aidé de son fidèle historien Jean-Dominique de La Rochefoucauld,
Rossellini choisit de raconter les derniers jours du philosophe grec, faisant ainsi le
point sur son enseignement, et reconstituant scrupuleusement son procès et sa
mort, entouré de ses disciples aimants. J'ai bien aimé la caractérisation du
protagoniste, qui correspond bien à l'idée que je m'en fais : un type qui finit
toujours par confronter ses interlocuteurs à leurs contradictions, aux paradoxes de leur pensées, et les voyant quitter ces
conversations bien agacés. La situation politique de l'époque — le "siècle de Périclès" — est abordée mais
ça reste assez complexe et il faut rester bien concentré pour espérer tout
suivre. Il s'agit néanmoins d'une œuvre rare et au final tout à fait
convaincante, d'autant plus qu'il n'existe à ma connaissance aucune fiction
spécifiquement consacrée au vénérable philosophe.
DOSSIER ROBERTO ROSSELLINI :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire