12 avril 2018

Le Cinéma de Roberto Rossellini IV. 1960-1971

Era notte a Roma (Les Évadés de la nuit), 1960
Le film peut sans problème occuper sa digne place dans le sillon pourtant déjà bien creusé par Rossellini avec ses premiers films néoréalistes tournés au cœur du drame de la Seconde guerre mondiale (Paisà, Rome ville ouverte, Allemagne année zéro). Même esthétiquement, c'est du même tonneau. À vrai dire, j'ai été surpris de découvrir après coup qu'il datait de 1960, tant on a vraiment l'impression de vivre une actualité encore brûlante pour l'Italie, y compris dans l'aspect technique du film.

Le cinéaste fait un nouveau portrait absolument sublime de femme forte (magnifique Giovanna Ralli), sans aucun angélisme. Ce n'est évidemment pas innocent s'il nous la fait d'abord apparaître sous les traits d'une nonne avant de révéler qu'il s'agit d'un jeu de dupe et qu'à ce stade pour elle, face aux nécessités cruelles de la guerre et de ses privations, la fin justifie les moyens. Car même si la victoire des Alliés est imminente, l'avenir reste incertain et la botte fasciste n'a pas l'intention de se retirer. Les personnages vont véritablement être acculés, sommés de choisir puis d'assumer ces choix, au prix de tragiques sacrifices.

J'ai été un peu gêné au début par les interprétations plutôt mollassonnes des trois officiers étrangers en cavale, qui de façon improbable conservent leurs tenues militaires alors qu'ils devraient rester discret. Mais en travaillant une nouvelle fois sur la durée — le film fait plus de 2h — Rossellini réussit à nous faire partager les existences de cette petit communauté, dont les relations vont évoluer au fil des mois, où la vie reprendra même parfois ses droits, petite lueur de joie au sein d'une sombre époque (très belle soirée de Noël). Un peu à l'image du personnage de Renato Salvatori, irrésistible et drôle, et comme échappé d'une comédie italienne, mais pas ridicule pour autant. Le film prend ainsi les proportions d'un vaste tableau, touchant d'humanité. L'amitié entre les trois soldats, américain, anglais et soviétique, est en soi une ode courageuse à la fraternité et à la paix, surtout pour le public de 1960.




La Prise de pouvoir par Louis XIV, 1966
La chronique de ce téléfilm tourné par Rossellini pour l'ORTF, mais distribué en salle en France, a été précédemment publiée sur DVDClassik...
















Socrate, 1971 
Produit par la RAI dans la continuité des productions télévisées pédagogiques de Rossellini, et précédant ses Pascal et Descartes, ce téléfilm pêche un peu par son manque de moyens. Pour figurer l'antique Athènes, le réalisateur est contraint d'utiliser un pauvre village espagnol aux maisons de pierres bien anachroniques. Il y a bien une esplanade avec des temples à colonnes et une maquette du Parthénon, mais dès que les personnages s'éloignent un peu, le paysage ne dupe personne. Détail amusant, certaines maisons ont été repeintes entre deux scènes pour donner l'illusion d'un autre lieu. Les quelques plans de foules sont eux aussi bien rigolos quand on s'attarde sur le manque de conviction des figurants aux arrières-plans (si on est un spectateur un peu pervers). 

Évidemment, pour Rossellini comme pour Pasolini approchant le monde antique, le faste de la reconstitution n'est pas la préoccupation première. L'essentiel est bien dans le texte et les dialogues, dans la transmission des idées, d'une voix. Aidé de son fidèle historien Jean-Dominique de La Rochefoucauld, Rossellini choisit de raconter les derniers jours du philosophe grec, faisant ainsi le point sur son enseignement, et reconstituant scrupuleusement son procès et sa mort, entouré de ses disciples aimants. J'ai bien aimé la caractérisation du protagoniste, qui correspond bien à l'idée que je m'en fais : un type qui finit toujours par confronter ses interlocuteurs à leurs contradictions, aux paradoxes de leur pensées, et les voyant quitter ces conversations bien agacés. La situation politique de l'époque — le "siècle de Périclès" — est abordée mais ça reste assez complexe et il faut rester bien concentré pour espérer tout suivre. Il s'agit néanmoins d'une œuvre rare et au final tout à fait convaincante, d'autant plus qu'il n'existe à ma connaissance aucune fiction spécifiquement consacrée au vénérable philosophe.


DOSSIER ROBERTO ROSSELLINI :


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