7 avril 2018

Le Cinéma de Roberto Rossellini II. 1948-1952

L'Amore, 1948
De Paisa', à RoGoPaG, le talent de Rossellini s'est régulièrement prêté au format court. Amore compile deux moyens-métrages avec pour seule cohérence la mise en vedette d'Anna MagnaniLe second segment écrit par Fellini est auréolé d'une belle réputation, mais je n'ai pour ma part eu l'occasion de ne voir que le premier, mise en image d'un texte que j'adore, La Voix humaine. Ce monologue somptueux de Cocteau fait du spectateur le témoin troublé de la conversation téléphonique d'une femme avec l'homme qu'elle aime encore et qui va bientôt rompre. 

Jouant des contraintes du huis-clos et du temps réel, la caméra prima donna de Rossellini fait ainsi jeu égal avec la diva au sommet de son art. L'exercice de style est bluffant, mais ne s'exerce jamais au détriment des émotions vraies et puissantes de la protagoniste, impitoyablement scrutée dans sa détresse comme dans ses égarements pathétiques. Le résultat prend évidemment d'autant plus à la gorge que cette fin d'une liaison apparaît inévitablement comme le douloureux écho de celle qui unissait l'actrice au metteur en scène qui la dirigeait ici une ultime fois. Fierté du cinéma italien, le couple qui connut la gloire internationale ensemble tournait ici la dernière page d'une fructueuse collaboration. Du travail d'orfèvre.




Stromboli, terra di Dio, 1950
D'une femme, l'autre. En plus d'avoir fait le bonheur des paparazzi et scandalisé le public américain, la rencontre Rossellini / Bergman va clairement faire entrer l'œuvre du cinéaste dans une nouvelle période. Les films qu'ils ont tournés ensemble me sont particulièrement chers, étranges et vrais, beaux et émouvants, diamants qui continuent à servir de phare pour plusieurs générations de cinéastes sans pour autant leur faire de l'ombre. 

La terre italienne est toujours là — présente jusque dans le titre originel — et le réalisateur ne renie en rien l'héritage néoréaliste dans son approche des personnages. Mais le discours change, et certaines préoccupations existentialistes qui étaient déjà présentes autrefois mais seulement en filigrane, s'affirment ici pleinement. Au milieu de la vie rude des pêcheurs, errant entre effroi et dégoût sur une île inhospitalière, le personnage de Bergman est ce poisson hors de l'eau progressivement contraint de lever la tête. Mais bien plus qu'une lutte, c'est le salut dans l'abandon qui filme le réalisateur. Un sentiment qui se joue au plus profond de l'âme, une épiphanie qui ne doit rien au dogme religieux. Ce que la critique et le public de l'époque eurent certainement du mal à avaler.




Europa' 51 (Europe 51), 1952
Loin de se ranger, Rossellini enfonce le clou, trouvant en Bergman l'incarnation idéale de ces héroïnes violemment confrontées à leur destin. Anticipant le fond de commerce d'AntonioniEuropa'51 commence comme un film sur l'incommunicabilité du couple, et sur sa relation à l'enfant. Rossellini développe des situations qui pourraient presque verser dans la caricature, avec cette peinture sévère de la haute bourgeoisie, où Bergman se montre plutôt à l'aise, jouant clairement avec l'image patiemment forgée par Hollywood. 

Le basculement dans une autre dimension apparaît alors d'autant plus fort et surprenant, ouvrant sur une quête de la grâce et une émotion inespérée. C'est un nouveau chemin de croix qui prolonge en quelque sorte sur un autre terrain le parcours de l'héroïne de Stromboli. Le plus impressionnant ici encore, c'est la façon dont le réalisateur prend son temps pour développer les ramifications de son intrigue, et faire accepter la logique de son dénouement. Encore un bouleversant chef-d'œuvre, d'une audace désarmante.



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