29 janvier 2018

Trois films noirs français de 2004

Qui perd gagne !, Laurent Bénégui 2004
On devrait toujours se méfier de titres qui se finissent par un point d'exclamation, qui renvoient plutôt du côté du cinéma de Philippe Clair. Ni l'affiche, ni Lhermitte, ni le sujet (une histoire de joueur de casino, de Loto et d'arnaque) ne m'intéressaient. J'avais été voir ce truc parce que j'étais fan du film précédent de Bénégui, Mauvais genre, sorti en 1997. Un petit bijou de poésie et de drôlerie burlesque, plein d'idée et bien joué, avec un génial Jacques Gamblin faisant feu de tout bois. Une vraie perle à (re)découvrir, inexplicablement inédite en vidéo. 

Mais là qu'est-ce qu'on a ? Une sorte de téléfilm de prestige au scénario pas crédible pour trois sous, dont l'interprétation déficiente devient criante lorsque Michel Aumont fait son apparition, toujours impeccable, lui, et devenu la mascotte du réalisateur. Lhermittte et Zylberstein donnent juste l'impression de vouloir en finir au plus vite, franchement peu soutenus par une mise en scène d'une indigence rare. Bref, c'est un pénible naufrage sur lequel il n'est pas nécessaire de s'étendre davantage, à la suite duquel Bénégui lui-même préfèrera se cantonner à l'écriture. On pourra noter quand même une musique assez jolie et guillerette (enfin pas de quoi se payer la B.O., hein) signée Laurent Coq, et un gag assez drôle... en toute fin de générique !




36 quai des orfèvres, Olivier Marchal, 2004
La tension, la dramatisation m'ont emballé et j'ai souvent jubilé sur mon siège, y voyant à l'époque quelque chose de bien supérieur au tout venant de la production française. Malgré le background affiché du réalisateur (ses 10 années de police), on est vraiment face à un film de cinéma. Dans sa forme, dans sa construction, dans sa narration, Marchal ne souscrit pas à l'esthétique documentaire. Il joue avec des figures de cinéma, et on notera l'hommage à Melville avec Rochdy Zem qui porte le même nom que Serge Reggiani dans Le Doulos : Silien. Le réalisateur possède un sens de l'image et du montage assez stupéfiants, évident dès la séquence d'ouverture et son montage parallèle, mystérieuse façon d'introduire le personnage d'Auteuil. La caméra est mobile et la musique dynamise bien l'ensemble. Par la suite, il est vrai que je me ferai souvent la remarque que Marchal semblait incapable de se passer d'un accompagnement musical, au risque de sombrer parfait dans un effet musique d'ascenseur. Certains plans sont très beaux (le gamin qui regarde son père mort après avoir sauté du balcon, la fille d'Auteuil qui regarde les menottes se refermer sur les poignets de son père). De même cette belle mise en parallèle des deux flics, l'un rejoint par sa femme sous sa douche, l'autre regardant la pluie tomber de derrière sa large baie vitrée, incapable de communiquer avec la sienne. 

Cette présence des femmes, faussement à l'arrière-plan m'a pas mal fait penser au traitement que leur réservait Heat, le chef-d'œuvre de Michael Mann que Marchal a clairement ici en ligne de mire. Les conversations hommes/femmes y sont toujours lourdes de sens. Sans que cela soit plus qu'évoqué, on comprend que Camille (Valeria Golino) était avec Depardieu avant de rejoindre Auteuil. Leur rivalité n'est pas que sur le terrain du pouvoir policier. J'ai de manière générale beaucoup apprécié l'attention accordée à tous les personnages. Les acteurs sont vraiment tous épatant, et j'ai aimé retrouver le trop rare Francis Renaud.

Peut-être que le film manque d'un vrai clou du spectacle. La fusillade centrale aurait pu y prétendre. Elle dégage une vraie puissance (surtout grâce à l'interprète assez flippant du gangster tatoué). Mais on guette un pic qui ne vient pas. De même, en refusant le climax final, en éludant l'affrontement attendu entre Auteuil et Depardieu, Marchal nous frustre. Sa solution, si elle évite louablement la convention, laisse un sentiment d'inachevé. On ne sent pas le poids du calvaire vécu par Auteuil, et le dernier quart d'heure accumule les coïncidences et sent la facilité d'écriture. Du coup, il est vrai que je suis sorti de la salle sur un sentiment mitigé alors que j'étais très enthousiaste durant les 3/4 du métrage. Il faudrait le revoir aujourd'hui afin de constater si ces faiblesses se sont ou non estompées avec les années.




Je suis un assassin, Thomas Vincent, 2004
Le très bon précédent film du réalisateur, Karnaval qui révéla Sylvie Testud, m'était bien resté en tête et je partais donc confiant. C'était même assez rigolo quand j'ai du répéter bien fort à la caissière qui m'avait mal entendu : « Je suis un assassin !... » Résultat des courses, j'ai trouvé ce film noir adapté de Donald Westlake inégalement maîtrisé, avec surtout l'impression que toute la seconde partie, quand Viard et Cluzet s'installent chez Giraudeau, n'avait pas grand chose à dire et à montrer. Je ne sais pas si ça tient des dialogues ou des acteurs mais la description de leur chute dans la folie m'est apparue un peu légère, voire artificielle.

J'en ignore les causes, mais le film de Vincent a en fait été une production difficile et est sorti amputé de nombreuses scènes. Je suis pas sûr qu'il aurait été plus réussi s'il n'avait pas été coupé, mais c'est vrai que de nombreux trous sont sensibles et gênants. L'enquête policière et le personnage de l'inspecteur joué par Antoine Chappey semblent avoir particulièrement morflé au montage. Il reste encore des choses surprenantes, mais qui perdent trop vite en tension, ou qui ne vont pas très loin, avec un Giraudeau qui se croirait revenu sur le plateau de Ce jour-là de Raoul Ruiz. J'ai vraiment regardé le film se terminer avec un intérêt bien émoussé. Au final, l'attente est un peu déçue, même si ça m'avait quand même fait plaisir de voir à nouveau Cluzet sur les écrans, magistral comme toujours.

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