Locard, Grouazel, Eloi, 2013
Décidément, si visuellement j'ai toujours trouvé leurs couvertures peu engageantes, les ouvrages de bande dessinée publiés par Actes Sud (souvent coédités avec L'An 2) se sont systématiquement révélées être des œuvres de très grande qualité, travaux exigeants mais pas moins accessibles. Je citerai en particulier La Propriété, de Rutu Modan, et Ulysse les chants du retour, de Jean Harambat. Je ne connaissais pas Younn Locard et Florent Grouazel, mais ils livrent ici un roman graphique absolument sublime, récit maritime qui le temps d'une longue traversée met en scène tout un équipage face à la présence à bord d'un jeune indigène Canaque, "invité" à quitter sa terre pour rejoindre Paris.
On est au milieu du XIXe siècle, et si l'esclavage a été aboli, les réflexes de rejet sont évidemment encore bien présents, et l'on devine que celui au sujet duquel on s'interroge encore sur la nature humaine est sans doute destiné à servir d'objet de science ou de foire. Construit comme un implacable huis-clos maritime, tout le récit va alors alterner les moments de vie à bord, et des réflexions certes attendues, mais assez finement amenées sur la relation à l' "autre". Finement amenées parce que les personnages sont tous dépeints de façon suffisamment complexes pour ne jamais paraître manichéens, faisant preuve du minimum d'ambivalence pour que leur comportement sonne juste.
Sur le plan de la forme, chaque page est un émerveillement. Avec un trait à la fois précis et plein de vitalité, Locard capture merveilleusement les gestes et les expressions de ses personnages, maîtrise parfaitement les différentes atmosphères des scènes à bord, qu'on soit au sommet des mats ou dans l'obscurité du fond de cale. De case en case, le dessinateur ne s'autorise aucune facilité, ses arrière-plans sont remplis de détails. On n'est pas dans la reconstitution froide et technique d'un Bourgeon, et en même temps c'est la même minutie qui est à l'œuvre dans la représentation des cordages, et de tout ce bazar qui constitue un navire. Superbe.
On est au milieu du XIXe siècle, et si l'esclavage a été aboli, les réflexes de rejet sont évidemment encore bien présents, et l'on devine que celui au sujet duquel on s'interroge encore sur la nature humaine est sans doute destiné à servir d'objet de science ou de foire. Construit comme un implacable huis-clos maritime, tout le récit va alors alterner les moments de vie à bord, et des réflexions certes attendues, mais assez finement amenées sur la relation à l' "autre". Finement amenées parce que les personnages sont tous dépeints de façon suffisamment complexes pour ne jamais paraître manichéens, faisant preuve du minimum d'ambivalence pour que leur comportement sonne juste.
Sur le plan de la forme, chaque page est un émerveillement. Avec un trait à la fois précis et plein de vitalité, Locard capture merveilleusement les gestes et les expressions de ses personnages, maîtrise parfaitement les différentes atmosphères des scènes à bord, qu'on soit au sommet des mats ou dans l'obscurité du fond de cale. De case en case, le dessinateur ne s'autorise aucune facilité, ses arrière-plans sont remplis de détails. On n'est pas dans la reconstitution froide et technique d'un Bourgeon, et en même temps c'est la même minutie qui est à l'œuvre dans la représentation des cordages, et de tout ce bazar qui constitue un navire. Superbe.
Jung, Le Voyage de Phoenix, 2015
Gros coup de cœur pour ce roman graphique, aussi beau dans la forme que poignant sur le fond. D'apparence très simple, le dessin est absolument magnifique, délicatement tracé et parfaitement expressif. Exploitant un format type manga au découpage très aéré, la narration est impressionnante de fluidité, d'autant plus que Jung entrecroise avec ambition plusieurs destins familiaux difficiles, à cheval entre les USA et la Corée, et sur plusieurs époques marquées par de dramatiques conflits.
L'auteur prend vraiment son temps et laisse l'espace nécessaire à ses personnages pour révéler leurs émotions. C'est d'une délicatesse constante, alors que ça aborde des sujets plutôt rudes et propices au pathos, beaucoup de choses reposant sur le non-dit ou le longtemps-tu. Il y est question d'adoption et des conséquences de la Guerre de Corée hier et aujourd'hui. Et on n'est jamais dans la leçon d'Histoire ou le scénario-prétexte à étaler sa documentation. Jung a avant tout à cœur de raconter une histoire profondément mélodramatique. C'est donc constamment passionnant et ça distille une émotion précieuse qui m'a profondément touché, et même laissé bouleversé. Là encore, je reste confondu devant une telle aisance dans la façon de raconter une histoire aussi riche et profonde par l'art séquentiel.
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