Il en est de certains cinéastes comme de certains acteurs, au sujet desquels on éprouve une profonde affection. Joe Dante est de ceux-là, un peu comme un copain avec qui on parlerait le même langage, une relation jamais totalement perdue de vue et dont on est content d'avoir des nouvelles de film en film. Comme si, bien au-delà de l'ambition de base qui est de fournir un spectacle
divertissant — ce que le cinéaste prétend faire avant tout, modestement — le lien
entre ses films et le spectateur tenait de l'intime.
Si on est comme lui un grand amoureux du cinéma, on se régale à chaque fois qu'on plonge dans son univers, si confortablement nourri de références partagées et de comédiens familiers. Je suis donc incapable d'établir une hiérarchie, et bien que j'ai conscience de leur différents degrés de réussite j'aime tous ses films à des degrés divers, même ses moins estimés...
Si on est comme lui un grand amoureux du cinéma, on se régale à chaque fois qu'on plonge dans son univers, si confortablement nourri de références partagées et de comédiens familiers. Je suis donc incapable d'établir une hiérarchie, et bien que j'ai conscience de leur différents degrés de réussite j'aime tous ses films à des degrés divers, même ses moins estimés...
The Movie Orgy (coréalisé avec Jon
Davison), 1966-1975
On ne sera pas étonné d'apprendre que l'un des tous premiers travaux cinématographiques conséquents du jeune Joe Dante est ce monstrueux film de montage à base de found-footage qui se veut à la fois une ode à la culture populaire et une satire de l'american way of life digne de Mad magazine. Âgé d'à peine 20 ans, Dante et son complice Davison inventent en quelque sorte le mash-up, mixant en direct extraits de films de série Z avec gros monstres en caoutchouc, publicités désuètes, messages institutionnels sentencieux, et rock n'roll pour teenagers. Le tout a des allures de bande-annonce sensationnaliste, dont la principale difficulté quant à sa diffusion tient au
fait qu'il n'en existera longtemps pas de version définitive.
Projeté sur les campus et dans d'immenses salles pendant plusieurs années dans une ambiance festive, ce film-collage a en effet été sans cesse augmenté et remonté, pour une durée dépassant parfois les 6 heures. Et aussi inespéré que ça paraisse, au vu du culte qui a fini par se constituer autour de ce projet, Dante et Davison finirent par établir une sorte de director's cut qui a traversé le temps et est destiné désormais à faire la tournée des festivals.
Projeté sur les campus et dans d'immenses salles pendant plusieurs années dans une ambiance festive, ce film-collage a en effet été sans cesse augmenté et remonté, pour une durée dépassant parfois les 6 heures. Et aussi inespéré que ça paraisse, au vu du culte qui a fini par se constituer autour de ce projet, Dante et Davison finirent par établir une sorte de director's cut qui a traversé le temps et est destiné désormais à faire la tournée des festivals.
Hollywood boulevard (coréalisé avec
Allan Arkush), 1976
Produit par Davison, ce premier long métrage original a encore des allures de pari fou. Travaillant alors comme monteur au studio New World, Dante se voyait donner là l'occasion de passer derrière la caméra, grâce à la bienveillance de son patron retors Roger Corman. Le producteur-réalisateur a dès qu'il a pu toujours encouragé les jeunes talents qu'il a employé (du temps d'AIP c'était Bogdanovich, Scorsese ou Coppola). Ici, Dante, associé à Allan Arkush a carte blanche pour écrire et tourner le scénario qu'il souhaite, sa seule contrainte étant de livrer le film le moins cher d'un studio dont le mode de production repose déjà sur de petits budgets.
Dante a donc fait tourner sur quelques jours et pour une somme dérisoire ses propres collègues sur leur temps libre (Paul Bartel, Dick Miller, Mary Woronov, Jonathan Kaplan, etc.), exploitant une nouvelle fois son art du recyclage exactement comme l'avait fait Corman lui-même sur ses propres réalisations : stock-shots de films dont le studio possédait les droits, accessoires, costumes et décors récupérés d'autres productions, ce qui donne notamment droit à des apparitions de Godzilla, ou de Robby le robot. À l'image de son affiche racoleuse, le film joue avec les codes du cinéma d'exploitation, pratiquant une mise en abîme en forme de satire du studio-system hollywoodien, avec un mauvais goût potache assumé et réjouissant.
Dante a donc fait tourner sur quelques jours et pour une somme dérisoire ses propres collègues sur leur temps libre (Paul Bartel, Dick Miller, Mary Woronov, Jonathan Kaplan, etc.), exploitant une nouvelle fois son art du recyclage exactement comme l'avait fait Corman lui-même sur ses propres réalisations : stock-shots de films dont le studio possédait les droits, accessoires, costumes et décors récupérés d'autres productions, ce qui donne notamment droit à des apparitions de Godzilla, ou de Robby le robot. À l'image de son affiche racoleuse, le film joue avec les codes du cinéma d'exploitation, pratiquant une mise en abîme en forme de satire du studio-system hollywoodien, avec un mauvais goût potache assumé et réjouissant.
Piranhas, 1978
Comme d'autres patrons de studio à la même époque (Dino De Laurentiis et son Orca), Roger Corman
s'était mis en tête de plagier le phénoménal succès de Spielberg en proposant après le requin de Jaws son propre film d'horreur aquatique. Après Hollywood boulevard qui tenait un peu de la blague, Dante a enfin l'occasion de faire du "vrai" cinéma. Et la réussite est d'autant plus méritoire qu'il se voyait confier un film avec un cahier des charges contraignant, qui a priori ne laissait aucune place à l'expression d'une quelconque personnalité. Il a su intelligemment transcender la commande, notamment grâce au scénario bricolé par John Sayles, qui
parvient brillamment à respecter les exigences du cinéma commercial tout en faisant preuve d'un second degré savoureux. Derrière le suspense et les séquences horrifiques, le film se voit en effet enrichi de toute une dimension satirique lorsqu'il s'agit de mettre en scène l'armée, les bavures
scientifiques et le camp de vacances.
Déjà une bonne partie de ses fidèles acteurs est en place, de Kevin McCarthy dans son habituel rôle de paranoïaque, à Dick Miller en directeur sans scrupules. Et le film bénéficie de plus d'une partition plutôt soignée de Pino Donaggio. Sans parvenir à dissimuler pleinement le fait qu'il tourne à l'économie, Dante se débrouille pour donner un rythme très soutenu aux attaques de ses poissons carnivores, notamment par son art du montage. Il réalise ici en quelque sorte le film de monstres qu'il appréciait étant gamin, et son Piranhas doit finalement peut-être davantage au Creature from the black lagoon de Jack Arnold qu'à Spielberg. Cette production fut une des plus grosses recettes de New World, permettant au réalisateur de franchir une nouvelle et décisive étape, avec un film à l'impressionnante maîtrise. Transformé en franchise, Piranhas verra pour son second volet un autre grand nom d'Hollywood débuter : James Cameron.
Déjà une bonne partie de ses fidèles acteurs est en place, de Kevin McCarthy dans son habituel rôle de paranoïaque, à Dick Miller en directeur sans scrupules. Et le film bénéficie de plus d'une partition plutôt soignée de Pino Donaggio. Sans parvenir à dissimuler pleinement le fait qu'il tourne à l'économie, Dante se débrouille pour donner un rythme très soutenu aux attaques de ses poissons carnivores, notamment par son art du montage. Il réalise ici en quelque sorte le film de monstres qu'il appréciait étant gamin, et son Piranhas doit finalement peut-être davantage au Creature from the black lagoon de Jack Arnold qu'à Spielberg. Cette production fut une des plus grosses recettes de New World, permettant au réalisateur de franchir une nouvelle et décisive étape, avec un film à l'impressionnante maîtrise. Transformé en franchise, Piranhas verra pour son second volet un autre grand nom d'Hollywood débuter : James Cameron.
The Howling (Hurlements), 1981
Brillante
revisitation du film de loup-garou, un genre qui redevient bizarrement à la mode à cette date avec de nouvelles variations qui ne doivent plus rien au gothique poétique des films Universal tournés en studio au début des années 40 (Le Loup-garou de Londres, Wolfen). Bien qu'incollable sur les classiques, Dante propose une habile plongée dans le bain eighties, toujours secondé par le scénario assez malin de John Sayles, qui applique au genre une
ironie assez proche de celle déjà à l'œuvre dans Piranhas. La photographie de John Hora est incroyablement stylisée, avec des tons rouges qui donnent régulièrement une coloration surréaliste à cette histoire qui s'assume comme telle. Boostée par le talent de ce chef-opérateur, la mise en scène de Dante fait preuve d'une rigueur inédite, et se révèle ici particulièrement inspirée,
sachant vraiment jouer sur les attentes du spectateur pour mieux lui procurer des sensations fortes. De la magistrale séquence d'ouverture, à la mémorable et longue scène avec Belinda Balasky qui commence par son exploration
de la cabane et culmine avec son face à face définitif avec le vilain Eddie, en passant par
sa course dans la forêt sur le superbe thème lyrique de Donaggio.
Tout comme chez son concurrent John Landis, The Howling va représenter une date dans le domaine des effets spéciaux. Rob Bottin n'a alors que 21 ans et réalise une véritable prouesse technique et artistique en concevant les prothèses et effets mécaniques qui vont faire de la scène de métamorphose un morceau de bravoure, formidablement soutenu par le travail de mime de Robert Picardo. Le film doit d'ailleurs une grande part de sa réussite à la conviction dont font preuve ses interprètes, bénéficiant d'un casting assez hétéroclite au premier rang desquels rayonne Dee Wallace et son interprétation à fleur de peau. Pour Dante, le succès commercial est à nouveau au rendez-vous, passant désormais dans le radar des majors. Là encore, le titre connaîtra une série d'improbables suites, mais pour ne pas entacher le talent de Dante, j'attendrai un peu avant d'évoquer en ces lieux The Howling II, dont les titres alternatifs Your sister is a werewolf et Werewolf bitch disent tout des nobles intentions de ses producteurs...
Tout comme chez son concurrent John Landis, The Howling va représenter une date dans le domaine des effets spéciaux. Rob Bottin n'a alors que 21 ans et réalise une véritable prouesse technique et artistique en concevant les prothèses et effets mécaniques qui vont faire de la scène de métamorphose un morceau de bravoure, formidablement soutenu par le travail de mime de Robert Picardo. Le film doit d'ailleurs une grande part de sa réussite à la conviction dont font preuve ses interprètes, bénéficiant d'un casting assez hétéroclite au premier rang desquels rayonne Dee Wallace et son interprétation à fleur de peau. Pour Dante, le succès commercial est à nouveau au rendez-vous, passant désormais dans le radar des majors. Là encore, le titre connaîtra une série d'improbables suites, mais pour ne pas entacher le talent de Dante, j'attendrai un peu avant d'évoquer en ces lieux The Howling II, dont les titres alternatifs Your sister is a werewolf et Werewolf bitch disent tout des nobles intentions de ses producteurs...
DOSSIER JOE DANTE :
III. Les années Spielberg 1983-1987
IV. Le Creux de la vague 1989-1993
V. Le Retour perdant 1994-2003
VI. Du grand au petit écran 2005-2006
VII. Le Trou noir 2009-2014 (prochainement...)
IV. Le Creux de la vague 1989-1993
V. Le Retour perdant 1994-2003
VI. Du grand au petit écran 2005-2006
VII. Le Trou noir 2009-2014 (prochainement...)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire