Loin de tout héroïsme, une peinture quasi documentaire du boulot de
quelques flics de L.A., leurs rondes de nuit, leurs rondes de jour, entre indignation,
franche camaraderie, dégoût, peur et excitation. Le film s'appuie sur le récit quasi-autobiographique de Joseph Wambaugh, lui-même ex-policier. À sa sortie, le livre fit sensation parce qu'il révélait le quotidien sans gloire du métier, braquant sa lumière sur un flic au bas de l'échelle et non sur un héros aux intuitions sûres. Par la suite, Wambaugh continuera à creuser ce sillon en signant avec le même succès The Choirboys, adapté à son tour à l'écran par Robert Aldrich.
Défrichant le terrain comme le fera bientôt à sa façon le Serpico de Lumet, Fleischer n'hésite pas à nous montrer des scènes particulièrement éprouvantes. Son utilisation du format scope est toujours d'une grande élégance, avec un bel usage des extérieurs de L.A., et un goût appréciable pour les plans qui durent. Sa caméra nous donne ainsi vraiment l'impression d'emboîter les pas de ses personnages, à l'image de cette course poursuite finale avec ce plan d'un couloir plongé dans l'ombre, et la silhouette minuscule de Stacy Keach paniqué qui protège son ventre avec son casque. Le danger et la mort guettent, surgissant avec cruauté même quand on ne s'y attend plus. Fleischer nous dépeint des policiers au bord de la crise de nerfs, retenant leur envie de tabasser les salauds, passant leur rage sur une voiture. Comme l'exprime le titre original, il s'agit de mettre en parallèle la décadence actuelle de la société à la chute de l'empire romain, le statut des flics d'aujourd'hui à celui des centurions de l'Antiquité, chargés d'assurer l'ordre sans être aimés en retour.
La caractérisation subtile des personnages évite intelligemment la caricature, exprime avant tout leur humanité. Pas plus de grand méchant que de bon au cœur pur ici, le film s'apparentant davantage à une chronique, une suite d'épisodes édifiants, qu'à une intrigue solide. Cependant, sans qu'on s'en rende compte, on va suivre le protagoniste sur plusieurs années, de ses débuts d'idéaliste à sa totale désillusion — sa vie privée vole en éclats — jusqu'à ce qu'il retrouve le sens de son engagement. L'interprétation toute en sobriété de Keach et George C. Scott rend l'ensemble encore plus réaliste. À l'arrivée, le constat social est néanmoins accablant : la plupart des criminels arrêtés sont de couleur noire (et pour ces raisons le film sera abusivement accusé de racisme par une partie de la critique française). Ça donne d'ailleurs à certaines scènes un petit côté blaxploitation, bien relayé par le funk de Quincy Jones. Soucieux de se montrer honnête, à l'image de la vie, le film ne se prive pas à l'occasion de faire place à l'humour, comme lors de l'irrésistible scène des prostituées dans le panier à salade. On s'amusera de reconnaître Poncherello de Chips dans le rôle de Sergio, le latino issu des gang, et le jeune William Atherton en bleu peu solidaire. Par sa puissance, sa noirceur, sa qualité d'observation et son interprétation, The New centurions peut certainement être considéré comme l'un des chefs-d'œuvre du cinéaste.
Défrichant le terrain comme le fera bientôt à sa façon le Serpico de Lumet, Fleischer n'hésite pas à nous montrer des scènes particulièrement éprouvantes. Son utilisation du format scope est toujours d'une grande élégance, avec un bel usage des extérieurs de L.A., et un goût appréciable pour les plans qui durent. Sa caméra nous donne ainsi vraiment l'impression d'emboîter les pas de ses personnages, à l'image de cette course poursuite finale avec ce plan d'un couloir plongé dans l'ombre, et la silhouette minuscule de Stacy Keach paniqué qui protège son ventre avec son casque. Le danger et la mort guettent, surgissant avec cruauté même quand on ne s'y attend plus. Fleischer nous dépeint des policiers au bord de la crise de nerfs, retenant leur envie de tabasser les salauds, passant leur rage sur une voiture. Comme l'exprime le titre original, il s'agit de mettre en parallèle la décadence actuelle de la société à la chute de l'empire romain, le statut des flics d'aujourd'hui à celui des centurions de l'Antiquité, chargés d'assurer l'ordre sans être aimés en retour.
La caractérisation subtile des personnages évite intelligemment la caricature, exprime avant tout leur humanité. Pas plus de grand méchant que de bon au cœur pur ici, le film s'apparentant davantage à une chronique, une suite d'épisodes édifiants, qu'à une intrigue solide. Cependant, sans qu'on s'en rende compte, on va suivre le protagoniste sur plusieurs années, de ses débuts d'idéaliste à sa totale désillusion — sa vie privée vole en éclats — jusqu'à ce qu'il retrouve le sens de son engagement. L'interprétation toute en sobriété de Keach et George C. Scott rend l'ensemble encore plus réaliste. À l'arrivée, le constat social est néanmoins accablant : la plupart des criminels arrêtés sont de couleur noire (et pour ces raisons le film sera abusivement accusé de racisme par une partie de la critique française). Ça donne d'ailleurs à certaines scènes un petit côté blaxploitation, bien relayé par le funk de Quincy Jones. Soucieux de se montrer honnête, à l'image de la vie, le film ne se prive pas à l'occasion de faire place à l'humour, comme lors de l'irrésistible scène des prostituées dans le panier à salade. On s'amusera de reconnaître Poncherello de Chips dans le rôle de Sergio, le latino issu des gang, et le jeune William Atherton en bleu peu solidaire. Par sa puissance, sa noirceur, sa qualité d'observation et son interprétation, The New centurions peut certainement être considéré comme l'un des chefs-d'œuvre du cinéaste.
Soylent green (Soleil vert), 1973
Passée son anthologique scène d'ouverture, raccourci saisissant et toujours pertinent de ce à quoi nous condamne le progrès industriel, c'est l'étonnante composition d'un Chuck Heston en anti-héros qui surprend. Flic du futur au comportement odieux, il devient notre guide déplaisant dans ce monde cauchemardesque qu'il ne pense même plus à contester. On découvre ainsi un système de classes parfaitement construit, où les femmes sont devenues des objets de
mobilier, vision d'autant plus terrifiante de notre futur qu'elle apparaît
comme tristement déjà d'actualité. L'intrigue en forme d'enquête policière n'a en soi pas grand intérêt, et sa résolution sera sans surprise. C'est bien davantage dans sa mise en boîte
que la réussite du film s'impose, avec une narration toute en sobriété, implacable et pratiquement dénuée de musique.
Conscient d'avoir entre ses mains un scénario particulièrement fort, Fleischer soigne ses images, avec une multiplication des angles souvent étonnante, les personnages semblant encadrés de toutes parts par des décor oppressants, qu'il s'agisse des intérieurs ou des rues nimbées de pollution. Le cinéaste déroule alors devant nos yeux une suite de séquences toutes plus mémorables les unes que les autres : la répression de l'émeute avec les pelleteuses, le Foyer, la poursuite finale... Et on n'oubliera pas de sitôt la présence pleine de sensibilité et de tristesse d'Eddie Robinson qui incarne ici en quelque sorte ce que l'humanité a pu garder de meilleur. Et le film de s'achever sur un cauchemar dont on ne se réveille pas.
Œuvre majeure du cinéma de science-fiction, Soylent green est typique de cette période de doute du cinéma américain des seventies, drames adultes et métaphysiques où l'on ne croit plus en un avenir meilleur, où l'homme voit mises à nue ses certitudes d'espèce dominante et devient lui-même la cause de sa propre perte. Tout autant ancré dans la culture populaire, Planet of the apes, avec le même Heston, avait déjà bien entamé ce tournant et il faudra attendre George Lucas pour que le genre retrouve un peu son goût de l'évasion sans amertume et l'optimisme bon enfant.
Conscient d'avoir entre ses mains un scénario particulièrement fort, Fleischer soigne ses images, avec une multiplication des angles souvent étonnante, les personnages semblant encadrés de toutes parts par des décor oppressants, qu'il s'agisse des intérieurs ou des rues nimbées de pollution. Le cinéaste déroule alors devant nos yeux une suite de séquences toutes plus mémorables les unes que les autres : la répression de l'émeute avec les pelleteuses, le Foyer, la poursuite finale... Et on n'oubliera pas de sitôt la présence pleine de sensibilité et de tristesse d'Eddie Robinson qui incarne ici en quelque sorte ce que l'humanité a pu garder de meilleur. Et le film de s'achever sur un cauchemar dont on ne se réveille pas.
Œuvre majeure du cinéma de science-fiction, Soylent green est typique de cette période de doute du cinéma américain des seventies, drames adultes et métaphysiques où l'on ne croit plus en un avenir meilleur, où l'homme voit mises à nue ses certitudes d'espèce dominante et devient lui-même la cause de sa propre perte. Tout autant ancré dans la culture populaire, Planet of the apes, avec le même Heston, avait déjà bien entamé ce tournant et il faudra attendre George Lucas pour que le genre retrouve un peu son goût de l'évasion sans amertume et l'optimisme bon enfant.
The Don is dead (Don Angelo est
mort), 1973
Le titre français est un peu idiot en personnalisant le Don en
question, étant donné que le film en compte plusieurs. Il s'agit d'un pur film de
mafia, sur fond de partage d'héritage, luttes fratricides, sens de la famille et
réglements de compte sanglants. Maître de ses moyens, Fleischer sait parfaitement doser l'action et
la drame, avec de jolis raccords de plan et de belles ellipses pour signifier sans la montrer frontalement la mort de certains personnages. Le scénario s'avère vraiment bon dans sa façon
d'enclencher une véritable spirale infernale de violence à partir
d'un quiproquo presque absurde — cherchez la femme — enrichissant ainsi l'histoire racontée d'une dimension pleinement tragique. Après leur formidable collaboration sur Barabbas, Anthony Quinn et Fleischer se retrouvent. L'acteur se montre excellent ici en parrain totalement dépassé par ce qu'il a sans le vouloir directement provoqué. Face à lui, Robert Forster est méconnaissable en petite frappe
ritale, et ce bon vieux Victor Argo est parfaitement à sa place en homme de main. Mais c'est sans doute Frederic Forrest qui écope du rôle le plus intéressant, celui dont
l'évolution au cours du film est la plus surprenante.
Pour ce qui sera sa dernière collaboration avec le cinéaste, le fidèle Jerry Goldsmith compose une partition assez atypique, à base de
sonorités électroniques froides et inhumaines. Moins expérimental, il signe également une ballade charmante bien qu'un peu sirupeuse. Bref, dans le genre polar mafieux, The Don is dead se révèle comme un film solide, et ce n'est pas la
peine d'aller chercher des noises à cette production sous prétexte qu'elle
marcherait sur les plates-bandes de Coppola (The Godfather venait juste de sortir, et comme tout énorme succès suscita nombre de copies). On sera tout de même impressionné de constater la productivité du cinéaste qui enchaîne ainsi les tournages, livrant des films palpitants aux atmosphères variées, et qui ne souffrent encore d'aucun défaut de finition.
DOSSIER RICHARD FLEISCHER :
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