Production anglaise tournée au format 1.85 (mais découvert projeté en 1.33), il s'agit d'un thriller qu'on pourrait qualifier de conceptuel. Après nous avoir présenté ses personnages en
prenant suffisamment son temps pour nous les rendre vivants, Fleischer passe
très vite à la vitesse supérieure dès le moment où la jeune aveugle interprétée
par Mia Farrow se retrouve seule dans une immense demeure, ignorant que la mort y a frappé. Totalement vulnérable, elle va alors vivre un véritable calvaire qui sera loin de prendre fin une fois qu'elle sera parvenue à fuir la maison. L'interprétation de Farrow est franchement bluffante, son personnage apparaissant d'abord dans toute sa fragilité nous donnant vraiment envie de l'aimer et de la protéger, avant de basculer dans la terreur absolue.
Multipliant les dispositifs impliquant le spectateur, afin que celui-ci se retrouve lui-même contaminé par un sentiment de panique, le film devient un exercice de style aussi jubilatoire qu'efficace. Fleischer s'amuse avec autant de sadisme que de subtilité à expérimenter de nouvelles techniques, des cadrages insolites à base de caméra au ras du sol, suscitant une tension insoutenable par sa façon de jouer sur le hors champ, de ne dévoiler que progressivement le danger. La musique particulièrement riche d'Elmer Bernstein permet au film d'atteindre une dimension supplémentaire, notamment dans ces étonnants passages lyriques où le réalisateur s'attarde sur le paysage automnal de la campagne anglaise.
On déplorera quand même un peu la façon sans nuance dont le tueur est caractérisé dans le générique d'ouverture : le type sort d'un cinéma porno et se balade le long de vitrines qui montrent des armes à feu, des unes de journaux faisant leurs gros titres sur la violence de la société, des revues cochonnes, un film d'horreur à la télé. En plus il boit de l'alcool et il fume ! Cette grossièreté de trait donne finalement au résultat final des airs de bande d'exploitation. See no evil apparaît alors comme un projet récréatif pour le cinéaste, bien loin des complexes portraits de criminels qu'il a pu signer auparavant (Compulsion, The Boston strangler, Ten Rillington place).
Multipliant les dispositifs impliquant le spectateur, afin que celui-ci se retrouve lui-même contaminé par un sentiment de panique, le film devient un exercice de style aussi jubilatoire qu'efficace. Fleischer s'amuse avec autant de sadisme que de subtilité à expérimenter de nouvelles techniques, des cadrages insolites à base de caméra au ras du sol, suscitant une tension insoutenable par sa façon de jouer sur le hors champ, de ne dévoiler que progressivement le danger. La musique particulièrement riche d'Elmer Bernstein permet au film d'atteindre une dimension supplémentaire, notamment dans ces étonnants passages lyriques où le réalisateur s'attarde sur le paysage automnal de la campagne anglaise.
On déplorera quand même un peu la façon sans nuance dont le tueur est caractérisé dans le générique d'ouverture : le type sort d'un cinéma porno et se balade le long de vitrines qui montrent des armes à feu, des unes de journaux faisant leurs gros titres sur la violence de la société, des revues cochonnes, un film d'horreur à la télé. En plus il boit de l'alcool et il fume ! Cette grossièreté de trait donne finalement au résultat final des airs de bande d'exploitation. See no evil apparaît alors comme un projet récréatif pour le cinéaste, bien loin des complexes portraits de criminels qu'il a pu signer auparavant (Compulsion, The Boston strangler, Ten Rillington place).
The Last run (Les Complices de la
dernière chance), 1972
Certainement mon film préféré du cinéaste, un titre auquel je suis d'autant plus attaché que je n'attendais pas autant de sensibilité de sa part. The Last run avait été commencé par John Huston, ceci expliquant sans doute cela. Le réalisateur d'Asphalt jungle trouvait ici un sujet qui lui convenait parfaitement, avec ce personnage vieillissant de gangster-chauffeur qui, après avoir abandonné le milieu pendant une dizaine d'années, décide de s'y remettre pour voir s'il est encore en vie. Malheureusement, la manie de Huston de réécrire le scénario quasiment chaque jour finit par agacer un George C. Scott très impliqué qui, du
coup, se (re)mit à boire. Huston préféra alors laisser le
projet à un autre et Fleischer est arrivé (ce ne serait ni la première ni la dernière fois qu'il sera ainsi appelé à la rescousse d'une production en perdition).
Et c'est peu de dire que Fleischer a brillamment repris la
barre, livrant une œuvre profondément désabusée, très proche du ton qu'on
trouvera l'année suivante dans The New centurions (avec encore George C. Scott) ou dans The Spikes gang, où Lee Marvin incarnera un peu le même genre de
personnage, sorte de dinosaure en fin de règne. The Last run (qui bénéficiera bizarrement comme The New centurions d'un joli et poétique titre français) est pour l'essentiel un road movie, au long des routes et des
superbes paysages du Portugal et de l'Espagne. On sent que Fleischer s'est laissé charmer par cette couleur européenne, donnant à son film un rythme faussement tranquille, comme si tout le récit n'était qu'un parenthèse où l'action comptera moins que le développement des relations entre des personnages mal assortis, embarqués sur une route dont on devine qu'elle risque de s'achever sur une impasse. Les discussions abondent ainsi entre Scott et un couple de jeunes bandits, le trio s'apprivoisant au fur et à mesure.
Et lorsque l'action et le suspense reprennent leurs droits — on est quand même
dans un polar — Fleischer démontre une nouvelle fois sa capacité à faire naître
la tension et à montrer la violence dans toute sa sécheresse et son absence de
glamour, avec notamment tout un discours qui oppose la violence d'antan,
idéalisée par les films, mythifiée par l'Histoire, et celle d'aujourd'hui,
froide et sale.
Sven Nykvist signe une photographie crépusculaire à souhait, s'étalant
avec toujours autant d'intelligence dans la largeur du Cinemascope. Et je
suis carrément tombé amoureux de la musique superbement mélancolique de Jerry Goldsmith (qui aura décidément pas mal composé pour Fleischer), qui pourra rappeler, dans l'instrumentation et dans le style, le Love story (1970) de Francis Lai. Le ton est donné dès le très beau générique d'ouverture
qui nous montre Scott nettoyer et vérifier le moteur de sa fidèle BM. Véritablement l'âme du film, l'acteur est évidemment incroyable de
justesse, sortant peu à peu de sa carapace, et c'est vraiment magnifique de
surprendre dans son regard la renaissance des sentiments, avant que bien vite la nécessité de sa dureté reprenne le dessus.
DOSSIER RICHARD FLEISCHER :
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