15 août 2015

Les Rêves aussi s'achèvent parfois par une chute

Pendant trois jours du mois d'avril 1999, nous avons mené une enquête étonnante dans un milieu pratiquement inconnu, mais qui ne se cache pas particulièrement pour l’être. Un petit groupe de gens à Paris, mais aussi en province ou à l’étranger, s’est réuni sous le terme de “Communauté des Volants”. Avec une assurance confondante ils prétendent qu’en l’homme existe une force non encore exploitée et qui permettrait au corps de voler. Ils donnent à cette force le nom de « pensée pure » et ont bâti tout un enseignement autour, ainsi qu’une série d’activités pratiques dont la plus impressionnante est bien celle qui consiste à s’élever du sol. Inutile de préciser où finissent ces envols. C’est quelque chose d’évidemment absurde, pourtant ces idées trouvent crédit au sein de cette association. Nous présenterons ici son historique, ses caractères généraux ainsi que son fonctionnement. Et nous nous apercevrons bien vite, passés les premiers moments de curiosité amusée, ce qu’une telle entreprise peut révéler d’inquiétant à propos de la nature humaine.



La Communauté des Volants


Rares sont ceux qui ont entendu parler d’eux. Ils ne se cachent pas mais n’ont pour autant jamais cherché à attirer la lumière. On pourrait légitimement se demander s’ils font vraiment partie de notre monde. Qui sont-ils? Ils sont peu nombreux, issus pour la plupart de milieux aisés et ont la conviction que l’homme peut voler. Aujourd’hui à Paris, mais aussi dans d’autres villes et même dans d’autres pays, ils sont tout de même plus d’une centaine à croire en la « pensée pure » en une force propre à chacun et qui serait capable d’arracher l’homme à la pesanteur. Nous avons eu la chance de rencontrer ces gens, presque par hasard, et qui se sont réunis sous le nom de la Communauté des Volants. Pendant trois jours, nous avons pu nous entretenir de façon très sérieuse avec Anne, l’intendante, et passer une journée à assister à leurs « tentatives de vol. » Nous sommes conscients de ce que l’existence d’un tel groupe a d’incroyable. Parce que nous nous considérons comme des esprits rationnels et parce que nous voulons privilégier l’objectivité des faits, nous partirons du principe qu’il est évidemment impossible à l’homme de s’envoler, et donc que les ambitions de cette communauté sont vouées à l’échec. Le symbole de cet échec, ce sera bien sûr la chute.

N.B: Les expressions entre guillemets appartiennent au lexique propre à la communauté, ou sont extraites de l’entretien avec Anne.



HISTORIQUE

La Communauté des Volants est de création fort récente, cependant ses responsables n’ont pas omis de tenir à jour les différentes étapes de son évolution. Son Histoire possède ainsi ses dates importantes, ses grandes figures, et parmi celles-ci, celui considéré par tous les adeptes comme le « mentor, le grand visionnaire » du mouvement, bref son maître à penser : Jean-Philippe (pour préserver leur anonymat ou bien parce que c’est la coutume, tous les membres des « volants » nous ont été présentés par leur prénom).

On fait remonter à 1992 l’année de naissance de la Communauté. Elle est créée à Angers (49) par le dénommé Jean-Philippe, alors âgé de 43 ans, suite à des rêves de plus en plus précis. On comprend mieux l’origine et les motivations de ce mouvement lorsque l’on sait à quel point certaines personnes peuvent être sensibles aux rêves. En l’occurrence, les rêves dont il est question ici consistaient en vols au-dessus de villes imaginaires. C’est une « illumination » au cours d’un de ces rêves qui lui révèle qu’il est possible de retrouver les sensations éprouvées au cours de ceux-ci, la légèreté et « l’impression d’absolue liberté », mais à l’état d’éveil. Aujourd’hui encore, comme nous le verrons, c’est toujours le rêve qui est à la fois le moteur et l’idéal des actions des adeptes.

Mais les débuts ont été difficiles. Personne n’ayant été convaincu par Jean-Philippe pour réunir les fonds nécessaires à ses expérimentations, il reçut peu de soutien. Même sa demande à la préfecture de créer une association fut rejetée. On se gardera de trop sourire de la naïveté d’un tel projet quand on apprendra qu’un héritage assez conséquent permit à Jean-Philippe d’ouvrir en 1994 le centre de vacances des Cornadies, où il réussit à intéresser quelques touristes à ses théories, sans oublier la mise en pratique, deux aspects que nous détaillerons également dans une seconde partie. Son activité sera loin cependant d’être rentable et le centre fermera après à peine six mois d’existence.

Néanmoins c’est à partir des rencontres qui s’y sont produites que la Communauté dans sa forme actuelle va voir le jour. Des vacanciers parisiens reprennent contact avec Jean-Philippe et l’incitent à les rejoindre. Nous sommes en décembre 1994 et 14 personnes se regroupent, officieusement puisque non reconnus par aucun texte, sous le nom de Communauté des Volants. De ces quatorze pionniers, seuls six en font aujourd’hui encore partie, dont Anne l’intendante. Ces vétérans prennent toujours plaisir à évoquer ces premiers temps de fougue et d’enthousiasme, mêlés à l’impression de se trouver devant un vaste terrain totalement vierge et qui n’attendait qu’eux pour être exploré.

C’est à cette époque que les différentes méthodes d’envol sont mises au point, avec parfois des accidents qui en font abandonner certains, quand ce n’est pas carrément la méthode qui est mise en cause. Ainsi l’épisode tragique — qu'Anne a eu l’honnêteté de ne pas nous dissimuler — en juin 1995, où une jeune femme de 33 ans « s’est tuée en sautant d’un toit d’immeuble, dans le quinzième arrondissement. Elle faisait bien sûr partie de la Communauté, mais ça, les gens n’en avaient jamais entendu parler. Les autorités ont classé l’affaire, ils ont cru qu’il s’agissait d’un suicide. (...) A l’époque on était très, très ambitieux et on pensait que le meilleur moyen pour s’élever était de sauter d’un point haut et que la pensée pure ferait le reste. Alors qu’aujourd’hui on sait que l’important n’est pas de partir d’en haut, mais au contraire de partir du sol pour s’élever. » Précisons encore que, selon Anne, de nombreux “suicides” de ce genre ont sûrement eu lieu dans d’autres régions. L’ignorance totale de ce mouvement par la société a, à chaque fois, entraîné le classement des dossiers.

« Nous ne sommes pas une organisation secrète. Un adepte a tout à fait le droit de parler de nos actions autour de lui. Nous nous refusons juste à faire de la publicité, sinon on nous prendrait vite fait pour des fous ou pour une secte. Nous sommes peu nombreux, mais nous sommes solidaires. Lorsque nous serons parvenus à la maîtrise de la pensée pure nous ne nous gênerons pas pour le faire savoir. »

Lorsqu’on s'offusque de la gravité des faits dont la Communauté porte tout de même la responsabilité, on se voit répondre que les « responsables d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui. (...) On ne peut condamner aujourd’hui pour des méthodes qui n’ont plus cours. Toutes les précautions sont maintenant prises, et plus personne n’a envie de jouer au kamikaze. Les seuls accidents graves que l’on peut regretter, ce sont des jambes ou des bras cassés mais très peu souvent, et c’est tout [sic]. » On a le droit de frémir face à une force de volonté si implacable.

Ces sacrifiés à la cause des « Volants » montrent bien que nous sommes sortis du domaine du rêve, en même temps qu’ils révèlent jusqu’à quel point certains peuvent aller dans l’auto-persuasion de l’impossible. Mais, à ce stade, gardons-nous de juger car nous n’en avons pas encore fini.

La Communauté continue à tracer son chemin. Les réunions ont lieu dans des terrains vagues ou dans des jardins et pendant plusieurs heures les adeptes s’essayent au vol par la pensée. Les effectifs ne vont pas toujours en augmentant. Il faut bien comprendre que ces gens sont suffisamment convaincus pour que leurs nombreuses chutes et leurs différents échecs n’entraînent pas forcément découragement et abandon. Ce qui compte c’est « la concentration que l’on déploie à chaque tentative de vol, et l’émotion très intense que l’on ressent pendant ce tout petit instant où l’on croit avoir retrouvé les sensations du rêve. »

Le dernier grand événement de cette modeste chronologie se situe en juillet 1996. Jean-Philippe disparaît. Pour toute la Communauté la signification de cette disparition est sans ambiguïté : « Maître Jean-Philippe devait être le premier à réussir l’envol. C’était celui qui s’y connaissait le plus. On ne s’en est pas tout de suite rendu compte, mais après plus d’un mois sans nouvelles on a bien compris qu’il avait réussi. (...) Il ne nous a pas écrit, mais on avait déjà senti que quelque chose avait changé en lui. C’est un peu comme s’il avait atteint une force supérieure de concentration. Et quand on a bien vu qu’il ne reviendrait pas, on s’est tous sentis très heureux, ça nous a poussé encore plus à continuer ce qu’on avait commencé. Ça en a rassuré certains. A partir de là il n’était plus question de laisser tomber. »

Après l’ère Jean-Philippe, on cherche à gagner en efficacité. Anne devient la principale organisatrice de l’action des Volants. Des relations tentent de s’ouvrir avec l’extérieur. La petite communauté commence à se déplacer en Province et s’ouvre au monde. Elle apprend ainsi l’existence d’autres groupuscules possédant les mêmes préoccupations qu’eux, aux États-Unis notamment : « des gens bien mieux organisés que nous, mais aux méthodes différentes. Nous avons beaucoup appris. »

En avril 1999, la Communauté des Volants, celle créée par Jean-Philippe et que nous décrivons ici, compte approximativement 120 adeptes dans le monde, dont une quinzaine à Paris. Les effectifs restent très fluctuants et il est apparemment impossible de savoir si les convertis de l’étranger le sont toujours aujourd’hui.



METHODE

« La Communauté des Volants n’est pas une secte. (...) Il n’y a pas d’obligations morales ou religieuses. Il n’y a pas de cotisation imposée, ni de bureau de surveillance. Chacun est libre de venir participer aux réunions ou non. » Ces réunions ont lieu de manière irrégulière, plus ou moins une fois par mois, et rarement dans les mêmes lieux. Cette irrégularité s’explique, selon Anne « à cause du très grand effort physique et psychologique à fournir. » Les rencontres s’organisent sur deux journées. La première étant consacrée à la partie théorique, au travail sur la « pensée pure », où l’on fait le point par rapport aux expériences passées, et où l’on se prépare pour le lendemain. C’est lors du second jour qu’auront lieu les activités-maîtresses, vraie finalité de toute cette entreprise, et qu’on appelle ici les « tentatives de vol ».


1. La Pensée pure
À des individus qui rêvent de voler mais en étant éveillé, on a envie d’apprendre ironiquement qu’aujourd’hui l’homme sait voler, que l’avion a été inventé depuis quelques temps et que cela fonctionne plutôt bien. Mais on nous répondra vite que ce qui intéresse la Communauté des Volants, c’est de retrouver ces sensations de légèreté que procure l’envol dans le rêve, et uniquement dans le rêve. Aussi les adeptes rejettent-ils tout ce qui est machinerie, avion, U.L.M., parachute, deltaplane, mais aussi montgolfière ou saut à l’élastique... Quelques-uns avouent cependant être tentés par l’expérience de l’apesanteur dans une recréation de l’environnement spatial, mais sur cette question, les avis sont loin d’être unanimes. « C’est incomparable. Il ne s’agit pas d’avoir recours à un artifice ou d’agiter bêtement ses bras comme des ailes. » Le seul moteur dont ils se réclament, c’est la « pensée pure. »

La « pensée pure » est évidemment issue des théories de Jean-Philippe selon lequel il y a en l’homme une « faculté non encore exploitée, une sorte de sixième sens que nous n’avons jamais appris à maîtriser, ou dont nous avons oublié la maîtrise », et qui permettrait des choses inimaginables comme, par exemple, voler.

À partir de là, il faut savoir « entraîner sa pensée pure. » En l’occurrence, cela consiste pour les adeptes à pratiquer différents exercices : On s’arrange durant la première journée des rencontres pour mettre en condition l’esprit de l’individu, pour favoriser ses rêves à venir. Rassurons-nous, d’après Anne, on est encore loin du lavage de cerveau. Des films sont projetés (sont cités entre autres Birdy, Les Ailes du Désir, Peter Pan...). On participe à des séances de relaxation au sol sur fond de musiques d’ambiance (on n'a pas été en mesure de nous fournir de références). On encourage les adeptes à fréquenter assidûment les grands bains des piscines. Des régimes alimentaires spéciaux sont régulièrement proposés. Enfin on discute des différentes techniques de chacun pour optimiser les exercices du lendemain.


2. Les Tentatives de vol
Il y a, à notre avis, quelque chose de déjà voué à l’échec dans ce terme. Car il s’agit bien ici de « tentatives » d’arriver à quelque chose que nulle personne sensée n’accréditerait : devenir homme-volant. Et si ce qu’il nous a été permis de voir durant notre rencontre ressemblait bien à des tentatives, il s’agissait plutôt de magnifiques tentatives de chute. Or il est étonnant de constater jusqu’où peut aller la volonté humaine dans l’absurde. Il est décidément difficile de ne pas émettre d’opinion critique à ce sujet.

Rappelons quel est le but de la Communauté des Volants : s’arracher à la pesanteur terrestre par le moyen de la « pensée pure », et d’elle seule. Le dimanche après-midi a eu lieu la seconde journée de la réunion mensuelle, dans un jardin public (le rendez-vous fut fixé la veille). Les adeptes n’ont pas forcément besoin d’être tous réunis dans un même cercle et peuvent se disperser comme bon leur semble. Nous avons suivi cinq d’entre eux. D’emblée tout ceci nous est apparu comme une vaste mascarade. Du scepticisme à la curiosité, nous sommes passés à l’ahurissement devant une telle quête de l’impossible. Dans leur esprit, ces gens s’adonnent aux « tentatives de vol ». Mais une journée passée avec eux ne permet de voir qu’une folle suite de chutes plus ou moins cocasses, mais qui, par leur inlassable répétition et par l’opiniâtreté résolue des adeptes, finit par susciter des impressions passablement inquiétantes, voire effrayantes.

Nous avons dit que plusieurs méthodes existaient. Apparemment il n’y en a pas encore une qui l’ait emporté sur l’autre. Certains membres peuvent passer toute la journée à répéter la même, d’autres alternent selon une logique qui nous échappe. Il va de soi que nous nous sommes contenté de jouer les observateurs.

Une des méthodes les plus douces semble être celle de la « concentration au sol. » L’individu peut être couché sur le dos ou sur le ventre, ou bien rester debout. « Tout le corps et l’esprit doivent tendre vers le ciel. (...) C’est le point d’appel. » Il y a aussi les simples sauts en l’air, dont la hauteur varie selon la forme et les périodes de découragement et de reprise du sauteur. A force, la réception au sol est de plus en plus mauvaise et on craint les foulures. Mais ces risques ne sont rien comparés à ceux que courent les autres adeptes, ceux qui n’ont pas totalement tiré les leçons des « accidents » de 1995, et qui privilégient donc l’envol d’un point haut. Heureusement il ne s’agit pas de sauter depuis un toit ou un pont, néanmoins ceux-là se placent tout de même à des hauteurs pouvant aller jusqu’à plus de 2 mètres. Ils montent sur un mur, un talus, une corniche, se concentrent plus ou moins longtemps, bras ouverts, le long du corps ou en avant, parfois ferment les yeux et s’élancent.

À l’exception de la « concentration au sol », toutes ces « tentatives de vol » se concluent bien sûr par un mouvement descendant. Comprenons bien que c’est une évidence qui ne vaut que pour nous seuls. Nous n’avons pas compté, mais sur pratiquement trois heures de « tentatives », nous avons du assister à bien plus d’une centaine de chutes, parfois impressionnantes.

De plus, ces exercices se déroulent en plein air au vu et au su de tout le monde. Les adeptes près du sol ne soulèvent de la part des passants qu’une vague indifférence, peut-être de temps en temps un sourire amusé. Quant à ceux qui sautent de haut, c’est comme si personne ne faisait attention à eux, on feint de les ignorer. Alors qu’ils s’exerçaient depuis plus d’une heure, nous avons tout de même surpris une réaction, une dame âgée venue donner à manger aux pigeons qui marmonna simplement :  « Mais ils sont fous, hein. Ils vont se faire mal... »

On nous a bien démontré le mécanisme de la « pensée pure », on nous a expliqué qu’il y avait des modèles pour se motiver : Jean-Philippe, des Américains, les "suicidés" à propos desquels certains vont même jusqu’à imaginer qu’ils auraient réussi à voler un temps, mais que, effrayés par la hauteur, auraient maladroitement relâché leur concentration (ceci explique sans doute ceux qui persistent à sauter encore de haut) ; on nous a appris qu’ils avaient de nombreux semblables répartis dans le monde. Et malgré cela, et après avoir assisté aux « tentatives », on ne comprend toujours pas ce qui pousse ces gens-là au bout d’eux-mêmes, vers un but aussi illusoire. On prend peur aussi.

Lorsqu’on voit quelqu’un faire une mauvaise chute, mal se rétablir au sol, tomber sur le coude, sur les genoux ou sur le postérieur, demeurer à terre quelques secondes « le temps de sortir de sa concentration » — concentration qui selon Anne « fait totalement perdre la conscience de la douleur » — puis, tel Sisyphe, monter retrouver son perchoir, sans un mot, sans une plainte, avec un acharnement qui dépasse l’entendement humain, on s’inquiète et on se réfugie dans les plus hasardeuses interprétations. On pense, par exemple, à ces images d’anges qui montent au ciel en quittant leur enveloppe corporelle. C’est juste après cette pensée qu’une intense panique s’est emparée de nous, peut être parce qu’encore sous le choc de la découverte d’une telle cérémonie. Il nous est en effet apparu dès cet instant, que c’était cela que recherchaient les membres de la Communauté, quitter le poids de leur corps, s’en dégager, pour enfin se sentir léger et être capable de flotter dans l’air. Cet abandon de soi dans tous les sens du terme passait obligatoirement par la chute, la chute la plus violente qui soit.

En réponse à un raisonnement aussi aberrant, quand on lui fait part de notre incompréhension de ce qui anime la volonté des adeptes, et qu’on s’indigne que de telles pratiques puissent trouver crédit dans leurs esprits, Anne rétorque avec le sourire blasé de l'adulte face aux questions d'un enfant  : « il y a une très forte résonance intérieure dans ce que nous faisons qui nous pousse à continuer encore et encore. Si lassitude il y a, alors je crois que ce n’est pas contre un rêve soi-disant impossible. (...) On se déchaîne contre le poids du corps. » Profitons-en ici pour préciser que certains adeptes nous ont donné l'impression d'être à la limite de l’anorexie.

Les adeptes partent quand ils le souhaitent. A la fin de la journée, ceux qui ont décidé de s’attarder pratiquent le plus souvent la « concentration au sol » et, à notre grand étonnement, ne laissent paraître aucun signe réel d’essoufflement. Il est certain qu’à force d’entraînement, ils ont appris à drainer leurs efforts. D’autres peuvent également cesser leurs « tentatives » pour observer les progrès de leurs collègues. Ce n’est que plusieurs jours après qu’on leur apprend par un courrier sibyllin la date et le lieu de la prochaine réunion.

  

CONCLUSION

Après plusieurs années d'existence au cours desquelles aucun adeptes ne peut raisonnablement (mais la raison a-t-elle vraiment sa place ici ?) prétendre être parvenu au but qu’il s’était fixé, à savoir, véritable négation de la nature humaine, voler, après un nombre d’échecs, donc, qu’on imagine incalculable, la Communauté des Volants affiche un optimisme et une résolution toujours intacts. Sans même parler de la crédulité avec laquelle ils ont interprété la « disparition » de Jean-Philippe, ces individus nous échappent totalement, la source de leur détermination nous échappe, leur inconcevable dynamisme nous échappe.

Après avoir attendu vainement et peut être avec un cynisme qui n’avait pas lieu d’être, le moment où l’on verrait enfin apparaître les tensions ou les désaccords, après avoir guetté les signes qui nous certifieraient que tout cela n’était au fond pas vraiment sérieux, toute cette entreprise nous est finalement apparue sans accrochage, placée sur une seule et même longueur d’onde. Nous nous sommes heurtés à un mur d’incompréhension que nous avions nous-mêmes dressé. Nous avons eu du mal à refréner notre indignation. Et tout cela, même si on ne peut décidément pas être convaincu par des idées aussi irrationnelles, a été balayé une fois de plus par la tranquille assurance de l’intendante : « Bien sûr que personne ne peut comprendre qu’on puisse être si persuadés que voler c’est possible. Nous n’avons jamais dit que cela était facile. On travaille, on travaille, c’est comme ça que ça marchera. (...) Et puis les rêves aussi s’achèvent parfois par une chute. » Cette folie douce force le respect.

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