Débutant comme un groupe à guitare
au son très saturé, The Boo Radleys va progressivement affirmer le talent de
compositeur et d'arrangeur de Martin Carr, digne héritier d'Andy Partridge (XTC). Formé en 1988, le quatuor est adopté très vite par le prestigieux label
anglais Creation (Jesus and Mary Chain, My Bloody Valentine, Oasis, Primal
Scream). Leur nom est un hommage au personnage du roman de Harper Lee, To kill a mockingbird (Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur). En dehors de XTC, on
pourra citer comme autres influences : Love (pour la musicalité), The Beach Boys (pour la richesse
des arrangements), New Order (pour l'énergie rythmique et mélodique), et
d'autres qui se révéleront au fil des écoutes, selon les sensibilités de
chacun.
Cet excellent disque est en réalité une compilation de leurs premiers
singles et E.P. Le groupe s'annonce ici comme un des représentants les
plus inspirés de ce qu'on pourrait appeler la noisy pop — à cette époque règne
My Bloody Valentine. Les guitares, au son crasseux, fusent. Le rythme est
carré et soutenu, avec des accents parfois carrément punk hardcore. Les morceaux
prennent le temps de se développer et de partir dans des circonvolutions
inattendues. La voix de Sice a déjà tendance à tenter d'audacieuses vocalises.
Ce disque propose donc déjà une collection d'excellentes pépites, plus
qu'agréables à écouter et qui donnent une furieuse envie de taper du pied :
- Alone again or (reprise
bourrine mais parfaite de Love)
-
Foster's vain (superbement planant)
-
Boo ! faith (géniale reprise du True faith de New Order)
Les guitares s'assèchent à l'occasion, le
rythme se pose davantage, la voix de Sice s'affirme, les larsens sont
génialement maîtrisés. Le synthé fait de timides apparitions. The Boo Radleys
invente le néo-psychédélisme et certains titres apparaissent comme des miracles
d'inspiration :
-
Spaniard (superbe avec ses trompettes et sa guitare latinisantes)
-
Memory babe (et son refrain irresistible)
-
Does this hurt ? (et sa progression ébourrifante)
-
Firesky (magnifique, au son chargé sans être jamais lourd)
-
Lazy day (particulièrement dansant)
C'est par ce disque que j'ai découvert le
groupe, et je n'ai pas oublié la belle claque que ce fut. Sous ce titre "coltranien", que je pense assumé, se cache certainement leur œuvre la plus
avant-gardiste. Rempli d'inventions sonores, de morceaux à tiroirs, et qui plus
est excellement produit — comparé aux précédents, le son est d'une clarté
étonnante — l'album est généreux (17 titres). Pour répondre à leurs ambitions, les Boo ont recruté de nombreux
musiciens. Les trompettes, les synthés (plus "neworderiens" que jamais) se
permettent davantage d'interventions. Les compositions prennent les paris les
plus fous, sans jamais oublier d'être mélodiques. Avec Giant steps, le groupe livre un peu son Sergent Pepper's :
-
I Hang suspended (à vous faire tourner la tête)
-
Upon 9th and fairchild (à la fois reggae dub, pop et noisy, à la construction
mémorable)
-
Wish I was skinny (d'une admirable légereté, qui s'achève sur un synthé très
New Order)
-
Leaves and sand (dantesque, passant de la saturation la plus excessive au
quasi mutisme de ses interprètes)
-
Butterfly McQueen (d'un psychédélisme achevé, jusque dans le son de ses
guitares hallucinées)
-
Rodney King (où quand les Boo assument leur parenté avec Kevin Shields)
-
Thinking of ways (et son orchestre de chambre qui part en vrille)
-
Barney... and me (bon je suis en train de citer tout l'album. En gros, ici
pas de déchet. Je passe donc directement à la suite...)
Leur plus gros succès, l'album de la
consécration. Et durant une saison, The Boo Radleys passe au premier plan de
la pop anglaise. D'une approche plus immédiate, les morceaux qui composent ce
disque se révèlent tout aussi travaillés et complexes. Le talent de Carr est d'avoir su leur donner cette apparente
évidence alors qu'il continue à composer comme personne. Les
chœurs, les arrangements de cuivre sont plus généreux que jamais :
-
Wake up Boo ! (qui ouvre l'album
avec une pèche et une fraîcheur inattendue)
- Find the answer within
(comptine faussement naïve, que je considère comme l'un des sommets de l'album, au
refrain génialement lyrique)
-
Stuck on Amber (l'autre sommet)
- Wilder (magnifique ballade de fin)
Avec Wake
up !, C'mon Kids est peut-être en ce qui me concerne l'album le moins attachant du groupe (tout est relatif). Mais au bout de plusieurs écoutes, ici encore, on se rend compte que
le talent est toujours là, et on ne peut que se réjouir de pareils présents.
Leur son revient d'ailleurs à celui plus confus de leurs débuts, un peu comme
de mauvais élèves qui n'auraient pas voulu suivre la leçon du précédent disque,
guidés par une fausse nonchalence. Les trouvailles sonores sont plus que jamais
présentes :
-
C'mon kids (sorte de retour aux sources, complètement saturé, ou Sice
semble plagier le chant de Liam Gallagher)
- Get on the bus
(étonnante poupée russe, ou comment enchaîner une demi-douzaine de genres
musicaux en moins de 4 minutes)
-
Everything is sorrow (d'une admirable préciosité, rappelant plus que jamais XTC)
-
Four saints (une véritable démonstration de savoir-faire libéré de tous
les dogmes et classifications)
-
New Brighton promenade (chef-d'œuvre)
Un de mes albums préférés, tous groupes confondus. Absolument
irrésistible du début à la fin. Les arrangements sont plus classieux que jamais
(cordes, cuivres capiteux), l'éléctronique est savamment dosée, devenant pour
la première fois la base de certains morceaux (on y entendra même des
scratches). Les chansons sont d'une richesse proprement sidérante. Fleuron de
la pop anglaise, ce disque extrêmement ambitieux et travaillé, que je considère
vraiment comme une œuvre importante, rencontrera malheureusement encore moins
le succès que le précédent. Il signe la fin de leur contrat avec Creation. Depuis
le groupe n'a plus donné de nouvelles.
-
Blue room in archway (étonnant usage de la boîte à rythme syncopée qui vient
soutenir de magnifiques arpèges de cordes)
- The Old newsstand at Hamilton square (John Barry style)
-
Free Huey (très "primalscreamien")
-
Kingsize (classieux au possible)
-
High as monkeys (ou comment enchaîner musique baroque et guitare
électrique, un morceau très osé)
-
Adieu Clo Clo (autre pépite)
-
Comb your hair (très "philspectorien")
-
Song from the blueroom (d'autant plus bouleversant que ce titre est un des
derniers que le groupe nous aura fourni)
-
The Future is now (ultime morceau de l'album au titre qui sonne un peu comme
un adieu, et qui s'étale tranquillement sur plus de 7 minutes).
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