Un très joli film. On y rit souvent de bon cœur, ce qui n'empêche pas le ton de parfois devenir grave, voire assez osé par les thèmes abordés. C'est rare de voir un dessin
animé selon toute apparence destiné aux enfants proposer une famille aussi peu conventionnelle. Jusqu'à
la fin, le père reste ainsi un gros bras bon à rien et infantile. Takahata sait cependant parfaitement doser la caricature et la méchanceté, il montre bien vite qu'il n'y a pas de manichéisme (cf. les yakuzas). Les autres
personnages sont très rigolos et souvent touchants. La petite Kié est
dotée d'une belle énergie, et le film offre à l'arrivée un magnifique portrait de
l'enfance, d'une finesse et d'une subtilité très maîtrisées. En cela, c'est un travail tout à fait digne de celui que le réalisateur accomplira bientôt sur le bouleversant Tombeau
des lucioles et le pétillant Mes voisins les Yamada.
Techniquement, décors et animation
n'ont rien d'exceptionnels, se contentant surtout de rester au niveau des
personnages. Mais les dessins sont très chouettes, certaines têtes étant
vraiment marrantes. Bon, s'il faut l'avouer, ce qui m'a fait le
plus délirer ce sont ces chats kung fu fighters et leurs improbables histoires de couilles (dit comme ça, ça peut paraître bizarre mais on est déjà moins étonné si on a vu le génial Pompoko, du même Takahata). Autre petit plaisir personnel, l'insert complétement inattendu du Son of Godzilla...
Mimi wo sumaseba (Si tu tends l'oreille), Yoshifumi Kondo, 1995
Tout le savoir-faire du studio
Ghibli est réuni dans ce petit bijou aux ambitions apparemment modestes mais
bougrement attachant. On y suit le quotidien d'une jeune collégienne passionnée
par les livres. Son éveil au sentiment amoureux est traité avec autant de
vérité que de délicatesse, avec des scènes toutes simples qui tournent au
miracle : une chanson improvisée, une déclaration d'amour insoupçonnée, le poids
d'un souvenir éternel, la compréhension paternelle, le plaisir de sentir le
soleil sur sa peau... Grâce à la subtilité de l'animation qui fait passer la
moindre émotion sur les beaux visages des personnages, grâce au sens du détail
des décors urbains, grâce à un score d'une belle richesse, tous ces petits riens qui finissent par composer un univers qui captive très vite le spectateur.
Miyazaki en a signé storyboard et
scénario. Kondo fut quand à lui l'un des piliers de Ghibli, responsable de
l'animation sur quasiment tous les films du studio. Ce sera son unique réalisation
de long-métrage, il décédera brutalement trois ans plus tard alors qu'il
s'annonçait comme le digne héritier de Miyazaki et Takahata.
Je ne l'avais pas revu depuis sa
sortie. J'ai retrouvé toutes les sensations et les émotions que le film
m'avait alors procuré, avec peut-être encore plus de force et de beauté. En
effet, j'avais vécu sa découverte en salle comme un véritable rêve, complétement
fasciné par ce qui se déroulait à l'écran, acceptant très vite d'abandonner la
quête d'une quelconque logique. Le retour à la réalité de la rue avait alors été particulièrement rude.
Cette fois, j'ai pu m'attacher
davantage à l'intrigue et aux raisons d'être des personnages. Miyazaki propose
un délire à peine contrôlé (il ira pourtant bien plus loin dans le manque de rigueur sur ses films suivants), et pourtant les aventures de la jeune Chihiro nous
apparaissent incroyablement touchantes et justes. J'ai su cette fois mettre des
mots sur l'état de grâce qui avait été le mien en quittant la salle un soir de
décembre. On quitte le film comme Chihiro quitte ce lieu magique, jetant un
dernier regard sur ce monde, théâtre de mille épreuves et de dangers qui l'ont
amenée à se dépasser, à faire preuve de courage, à découvrir le sens du partage
et l'amour. Comme elle, on ressent à la fois de la tristesse et de la joie au
souvenir d'une experience qui appartient désormais au passé mais qui demeurera
en nous pour toujours (le bref éclat de lumière sur l'élastique de ses cheveux,
à la toute fin).
Techniquement, le film est une splendeur de tous les instants. L'animation acquiert une liberté rare. Et la musique d'Hisaichi parvient une nouvelle fois à une somptueuse harmonie. Je pense qu'on a là le summum de l'art du Maestro Hayao (en attendant Le Vent se lève).
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