Zappa par Zappa
Une lecture à la hauteur des attentes qu'on pourrait avoir avec un tel
bonhomme au talent démesuré. Zappa a une sacrée verve et cette autobiographie publiée en 1989 — 4
ans avant sa mort — offre d'innombrables morceaux de jubilation, tout en
s'efforçant de tordre le cou à certaines légendes : non, Zappa n'a jamais mangé
de caca sur scène (ni ailleurs). Sont abordés aussi bien ses procès pour
obscénité, les diverses mésaventures qui peuvent arriver à un groupe en
tournée, le comportement de certaines groupies, les collaborations houleuses
avec certains orchestres symphoniques. Zappa retrace également tout un pan de
l'histoire de la musique américaine, et va jusqu'à anticiper sur le
téléchargement via Internet (!). Plus que certaines anecdotes croustillantes
sur Captain Beefheart, Steve Vai ou Hendrix, les nombreux commentaires sur sa
conception de la musique m'ont passionné.
Zappa abandonne malheureusement au bout d'un moment tous ces aspects
résolument autobiographiques pour virer carrément à une attaque en règle de la
société américaine de ces années 80, qu'il s'agisse des mensonges de
l'administration Reagan ou des télévangélistes. Je n'imagine même pas dans quel
état l'aurait mis par la suite la politique d'un Bush junior. Ce n'est pas
inintéressant en soi et l'auteur s'y montre sacrément remonté, mais ce n'est pas
forcément ce qu'on vient chercher dans un tel livre. Le bouquin est sinon très joliment illustré et rempli de jeux
typographiques qui donnent presque à entendre le ton outrancier du moustachu. Bref,
c'est incontournable, et ça redonne bien sûr envie de replonger dans sa monstrueuse discographie, l'ouvrage permettant d'en faire un peu plus facilement le tri.
Aucune mention d'un quelconque nègre sur les pages de garde et j'ai
vraiment retrouvé à l'écrit la "voix" de Françoise. Aussi je veux
bien croire qu'elle est l'unique rédactrice de ses mémoires tant la délicatesse et la sincérité du style colle avec la personnalité de l'auteur-interprète de Partir quand même. J'ai d'autant plus apprécié cette
lecture que le récit est copieux. Hardy verse parfois dans le pur anecdotique
mais cela participe d'une sorte d'impudeur ici partout à l'œuvre. C'en est même
troublant puisqu'elle évoque dans le détail mais sans croustillant sa relation
amoureuse avec Dutronc, à la fois belle et douloureuse. Il en résulte une
chaleureuse proximité avec cette femme.
Et puis bien sûr, elle évoque sa
carrière musicale, les conditions d'enregistrement de certains disques, ses
collaborateurs, sans rien enjoliver. Ça m'a presque désolé de constater qu'elle
reconnaît elle-même n'avoir pas su mieux contrôler la direction artistique de
ses albums des années 80 produits par Yared/Jonasz que j'ai toujours trouvés
bien ratés. L'ensemble est régulièrement
ponctué de réflexions toutes simples mais touchantes sur l'existence, assumant
les erreurs passées et profitant du recul d'aujourd'hui pour les analyser. Une confession précieuse, inespérée et désormais indispensable pour tout amateur.
2 commentaires:
Cool ! Une idée de cadeau pour le frangin, amateur de Zappa :)
Impossible qu'il soit déçu !
É.
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