18 mai 2017

Shin Godzilla (Godzilla Resurgence), Hideaki Anno & Shinji Higuchi, 2016


Shin Godzilla (Godzilla Resurgence), Hideaki Anno & Shinji Higuchi, 2016
Avec : Yutaka Takenouchi, Satomi Ishihara, Akira Emoto, Ren Osugi...


Des Godzilla de la Toho, j'en étais resté au réjouissant Final wars de Kitamura (2005). Ce nouvel opus en mode reboot est marqué à la fois par une forme de retour aux sources et par une audacieuse (et payante à mes yeux) volonté de prendre le spectateur à rebrousse-poil. Pour le retour aux sources, ici pas de multiplication du bestiaire : Godzilla est tout seul, les personnages font pour la première fois sa connaissance comme au temps du premier film, et c'est l'épure qui domine. Et puis on retrouve intact le thème mythique d'Ifukube, qui résonne magistralement au sein d'une BO elle-même assez originale et grandiose et qui apporte beaucoup de puissance aux scènes importantes.

Signé Anno, auteur exigeant et grand nom de l'animation (Neon genesis evangelion), le scénario refuse de s'embourber dans des digressions et des intrigues parallèles, ou de nous intéresser à l'intimité de ses personnages, essentiellement caractérisés par leur fonction, sans pour autant donner l'impression d'être des pantins. Il ne s'agira ici que de se concentrer sur la menace et de réfléchir aux moyens de lui faire face. Anno se prive même de meubler artificiellement son ouverture et de jouer sur l'attente comme il a toujours été coutume de le faire dans le cinéma catastrophe : la créature apparaît en effet dès les toutes premières minutes, donnant au spectateur ce qu'il est venu chercher tout en bousculant déjà ses habitudes. Du côté des innovations, la plus criante est sans doute l'abandon de la suit-motion. Godzilla est en CGI, et pourtant, au vu de ses manifestations, c'est un choix qu'on ne regrettera pas longtemps. Force brute presque dénuée de personnalité, le King of the monsters est particulièrement terrifiant. On le voit muter de façon étonnante en cours de film, et il révèle même ici de nouvelles et impressionnantes capacités de destruction, filmées à chaque fois de façon très efficaces en terme d'angles et de point de vue, et certains plans ne seront pas sans évoquer d'authentiques images d'actualité de catastrophes naturelles. 

On est ainsi très vite rassuré de constater que la personnalité d'Anno n'a pas du tout été dissoute dans une franchise qui a par ailleurs rarement transcendé ses ambitions commerciales. Le film multiplie les parti-pris tant esthétiques que narratifs qui en font à leur façon un authentique film d'auteur : cadrages ultra-graphiques, montage au cordeau, et surtout un scénario qui maintient un fragile équilibre entre le sérieux et la satire. Mais une satire froide et aucunement bouffonne, qui s'amuse à démonter les mécanismes du pouvoir et de la hiérarchie, avec les réactions des autorités face au danger, les informations transmises au compte-goutte à la presse, les changements de gouvernement, la gestion de la population sinistrée, etc.


Il devient très vite évident qu'en mettant en scène les mensonges de l'administration, le film fait allusion aux manquements des autorités japonaises lors de la crise de Fukushima, et s'affirme comme un objet ouvertement subversif. Une fois que les divers experts militaires, politiques et scientifiques auront vu leurs intuitions mises en déroute, le salut viendra d'une poignée de nerds auxquels on aura donné carte blanche, et on retrouve évidemment bien là la patte d'Anno, qui va s'attarder sur la camaraderie et la solidarité qui va se nouer entre eux. Les scènes de cataclysme et d'affrontements se retrouvent alors très resserrées, limitées à 3 ou 4 temps forts qui gagnent à chaque fois un peu plus en impact. Cette direction pourra légitimement être considérée comme blasphématoire par certains fans qui trouveront le résultat trop bavard et trop timide en spectaculaire. Le film est sans doute trop long, et je reconnais qu'une fois passée la jubilation que suscitent ses radicaux parti-pris, on a quand même envie de revoir le gros lézard en action. En étant appelé sur ce film, Anno avait été contraint de mettre en sommeil la production du 4e et dernier volet de son Evangelion rebuild. Au vu du résultat, on ne se montrera pas trop chagrin.


Cette chronique ira rejoindre la troisième partie de ma rétrospective Godzilla...

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