27 mai 2017

Deux (bons) films australiens

Harlequin, Simon Wincer, 1980
Il y a des films comme ça qui assument jusqu'au bout leur volonté de jouer avec le mystère et la magie, s'achevant dans une relative absence de résolution qui, tout en se révélant parfaitement frustrante, fonctionne néanmoins très bien. Il y a peut-être de la facilité, de la gratuité, dans cette volonté de jouer avant tout sur l'atmosphère davantage que sur la solidité de l'intrigue, et de proposer en montage parallèle des scènes qui semblent n'avoir pour seul but que de déstabiliser. Et pourtant, j'ai trouvé cet Harlequin fascinant de bout en bout.

C'est un film très original, une fable dont je ne suis donc pas sûr encore d'avoir pleinement saisi la morale. Il y est question d'amour, de désir, d'ambition, de soif du pouvoir, de poids du destin. Mis en scène avec quelques audaces bienvenues, le film est très joliment interprété. Si David Hemmings semble curieusement effacé, limite en mode cachetonneur, on fera une mention spéciale à Carmen Duncan et surtout à Robert PowellLa force de conviction de son personnage de gourou opère une séduction indéfinissable. Pour toutes ces qualités, le long-métrage fut très remarqué à l'époque, participant à cette incroyable vitalité que révélait alors le cinéma australien aux yeux du monde, en particulier dans sa veine fantastique. On se trouve en effet là entre les deux premiers Mad Max, dont on retrouve d'ailleurs ici à l'affiche le compositeur Brian May. Le réalisateur Simon Wincer a par la suite fait son trou au box office, d'abord avec l'une de mes madeleines de Proust, D.A.R.Y.L. (1985) avec Barret Oliver, avant de perdre tout intérêt (Sauvez Willy, Operation Dumbo drop, entre autres titres peu emballants...).




Ghosts of the civil dead, John Hillcoat, 1988
Film très rude, qui nous montre froidement comment l'administration d'une prison de haute sécurité perdue dans le désert australien est parvenue à rendre fous ses détenus et à provoquer une émeute sanglante. Hillcoat refuse toute identification avec ses personnages. Parmi eux, Nick Cave campe un psychopathe plutôt haut en couleurs. Mais aucun individu n'est véritablement privilégié. Il y a très peu d'action, les dialogues sont extrêmement rares. Tout passe par des monologues intérieurs assez confus (on ne sait pas toujours qui parle), tandis que régulièrement des rapports s'affichent sur un écran d'ordinateur, résumant la situation, recensant de façon anonyme et inhumaine les faits qui vont aboutir au dénouement. Parachevant cette sombre ambiance, Cave et ses copains Bad Seeds signent une bande son bien anxiogène.

Mise en scène et découpage sont très soignés, faisant sourdre des murs de la prison toute la violence latente, l'horreur des conditions de détention et surtout le processus qui va faire de ces détenus des animaux, avec la complicité de l'administration.  Le film connut d'ailleurs de gros problème avec les autorités à sa sortie. Tiré d'un fait divers authentique, il est d'autant plus terrifiant qu'on apprend à la fin qu'en poussant ainsi les criminels à la violence, on a volontairement nourri le sentiment de terreur de la société, convaincue ensuite d'augmenter les forces de polices et de renforcer son pouvoir. Après ce coup d'éclat, Hillcoat disparaîtra un peu de la scène avant de revenir avec des films suffisamment originaux pour se laisser absorber par Hollywood (The Proposition, The Road, Triple 9). 


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