3 avril 2017

Alias, 2001-2006

Alias, 2001-2006
Une série créée par J. J. Abrams,
4 saisons de 22 épisodes et 1 saison de 17 épisodes
Avec : Jennifer Garner, Ron Rifkin, Victor Garber, Michael Vartan, Bradley Cooper, Carl Lumbly, Kevin Weisman, Greg Grunberg, Lena Olin, David Anders...

J'aimais bien les séries gamin, mais je ne pense pas que je pourrais encore m'enthousiasmer aujourd'hui devant celles que je regardais alors, comme Le Chevalier lumière, L'Homme qui tombe à pic (« ...l'homme qui vient de loin ») ou Super Jamie. Côté sitcom, peut-être que Ricky la belle vie vaut plus que ce que je crois en penser, et qu'il faudrait redécouvrir Arnold & Willy en VO. Et si, par son concept et son casting, Columbo tient toujours la route, Supercopter est quant à lui désormais irregardable, avec ses scénarios-formules à la Goldorak, dont même môme je n'était pas dupe.

Passée la grande époque de La 5 (K 2000) et les débuts d'M6 (La Petite maison dans la prairie), j'ai cessé de regarder des séries, la télévision me servant uniquement à enrichir ma vidéothèque de films (merci Arte). J'ai donc assisté de loin à l'arrivée du nouvel âge d'or des séries au cours des années 90, qui lui permit bientôt d'accéder au rang d'objet critique (merci Twin peaks). Un mouvement qui sera accompagné en grande partie par M6 (Aux frontières du réel, qu'on n'appelait pas encore X-files, la trilogie du samedi) ou Canal Jimmy (Dream on, Friends), avant que Canal+ ne transforme la diffusion de 24 en événement. Cette forme de renouveau du genre, où la qualité de fabrication atteint de nouvelles exigences et où les auteurs se voient accorder une plus grande liberté, titillait ma curiosité mais sans que je franchisse le pas, peu tenté de m'imposer un rythme de visionnage feuilletonnant. Et c'est donc avec Alias, pris en cours de rediff télé à la fin des années 2000 sur feu Virgin17, que je me suis vraiment "remis" à regarder de la série et à rattraper le retard, me laissant ensuite guider par la réputation de certains titres (Rome, The West wingThe SopranosDexter...), et souvent bien conseillé.


Je ne sais pas trop quel est le regard critique d'aujourd'hui sur le show de J.J. Abrams, qui fut un grand succès populaire à l'époque mais ne semble pas avoir l'aura durable auprès des amateurs qu'ont encore Six feet under ou The Wire. Pour quelqu'un qui en était resté comme moi à L'Amour du risque, j'avoue que j'ai été assez estomaqué par les audaces de la mise en scène et la virtuosité scénaristique sans complexes à l'œuvre ici. Dès l'épatant pilote réalisé par Abrams lui-même qui pose les bases de sa formule, on est impressionné par la générosité avec laquelle chaque épisode est fourni en action, informations et rebondissements, le tout sur un rythme franchement affolant dont la seule raison d'être semble la crainte de voir le téléspectateur zapper. Et ce, jusqu'à l'assommant score techno sous ecstasy, signé Michael Giacchino auquel on n'aurait pas prédit une telle suite à sa carrière, puisque il s'est depuis révélé comme un des compositeurs les plus doués ayant émergé à Hollywood ces dernières années (The Incredibles, Ratatouille, Cloverfield, Super-8...). Dans cette même optique fédératrice sans prise de risques, la série est aussi généreusement truffée de chansons pop (Chemical brothers, Beck, Coldplay, Limp Bizkit, R.E.M., Deftones).

La structure narrative d'Alias, toute en flashbacks, ne choisit pas la facilité, et les éternels cliffhangers de conclusion sont un délice. Il est évident que tout ne tient pas la route et que le show se retrouve malgré lui entraîné dans une spirale infernale de rebondissements improbables qui font inévitablement émerger des contradictions : morts qui ressuscitent, mises en scènes, plans machiavéliques, amnésie, parents cachés, jumeaux cachés, clones... rien ne semble manquer au catalogue. Mais le spectateur est tellement abreuvé d'informations qu'il est découragé de toute tentative de protestation et invité à accepter les explications données par l'épisode en cours pour continuer à avancer. Il faut donc pour apprécier une démarche aussi kamikaze considérer que la série cherche à amuser avant tout, et n'a aucune volonté de réalisme. Approche confirmée lorsque le scénario s'autorise de plus en plus à verser dans le fantastique avec ces absurdes prophéties de Rambaldi. On se rapproche là clairement d'un esprit pulp, et d'un second degré que n'aura pas réussi à atteindre de son côté 24, se prenant bien trop au sérieux. 


Il est vraiment intéressant de retrouver ici la patte d'Abrams, telle qu'il continuera ensuite à l'imprimer à ses réalisations pour le cinéma (de Mission:impossible III à Star Trek into darkness)J'ai adoré l'audace du spectacle proposé par le retors auteur, qui assume son goût pour les twists tout en proposant des situations personnelles fortes très bien portées par ses interprètes. Au premier plan, dans le rôle de Sydney Bristow, Jennifer Garner trouve l'occasion de jouer sur un registre d'émotions assez large. C'est un rôle à la fois physique (tenues sexy et acrobaties), mais qui joue aussi la carte de la sensibilité, les moments intimistes alternant avec les scènes d'infiltration, dispositif qui est au cœur de la série. La série laisse en effet autant de champ aux missions d'espionnage qu'à la vie privée des personnages, mélange idéal de soap, de teen movie et de film d'action superhéroïque. Garner se présente ainsi comme un support d'identification idéal pour les jeunes spectateurs qui sont la cible du programme (pourtant pas avare en scènes de torture).

Abrams n'invente rien, il ne fait que reprendre et moderniser des recettes existantes (Mission : impossible, justement, pour l'art du déguisement, James Bond pour les gadgets et l'exotisme, et le cinema hongkongais pour le kung fu), avec un rythme et un montage plus épileptique, et ce goût du rebondissement qui va être la plaie de pas mal de séries par la suite, persuadées d'être inintéressantes si elles n'ont pas 15 rebondissements à proposer par épisode.



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