Scénariste irlandais œuvrant dans l'industrie du comics, Peter Milligan a tout à fait sa place aux côtés des British Alan Moore ou Neil Gaiman par cette capacité à jouer
avec les codes et les mythologies d'un genre. Shade the changing man est la reprise d'une série un peu oubliée créé à l'origine par Steve Ditko.
Milligan fait subir à ce
superhéros un traitement tout à fait déstabilisant, au sein d'un
récit ouvertement politique.
Car l' "american scream" du titre, c'est toute la mauvaise conscience de l'Amérique, toute cette culpabilité qui trouve sa source dans l'assassinat de Kennedy et se poursuit dans les rêves putrides fabriqués par Hollywood. La narration prend la forme d'un road trip franchement cauchemardesque qui finit par ne plus avoir de but, dans un monde où la réalité se voit littéralement contaminée par la folie qui gangrène les esprits. Le scénario de Milligan ne semble parfois pas loin du pamphlet mais est constamment sauvé par de véritables fulgurances poétiques, par certaines idées visuelles, par des rebondissements imprévus. Voyant ses origines redéfinies, Shade se présente comme un personnage assez bizarre, s'incarnant dans un premier temps dans le corps d'un serial killer en train de passer sur la chaise électrique, puis retrouvant progressivement son passé, ses attributs et la maîtrise d'un bien étrange pouvoir.
Car l' "american scream" du titre, c'est toute la mauvaise conscience de l'Amérique, toute cette culpabilité qui trouve sa source dans l'assassinat de Kennedy et se poursuit dans les rêves putrides fabriqués par Hollywood. La narration prend la forme d'un road trip franchement cauchemardesque qui finit par ne plus avoir de but, dans un monde où la réalité se voit littéralement contaminée par la folie qui gangrène les esprits. Le scénario de Milligan ne semble parfois pas loin du pamphlet mais est constamment sauvé par de véritables fulgurances poétiques, par certaines idées visuelles, par des rebondissements imprévus. Voyant ses origines redéfinies, Shade se présente comme un personnage assez bizarre, s'incarnant dans un premier temps dans le corps d'un serial killer en train de passer sur la chaise électrique, puis retrouvant progressivement son passé, ses attributs et la maîtrise d'un bien étrange pouvoir.
Le dessin de Bachalo et la mise en couleur peuvent faire un peu
peur au début par certains excès et maladresses (les traits des visages
sont assez inconstants). Heureusement ça s'améliore
assez vite, donnant lieu à quelques pages franchement superbes, sans
parler des délirantes couvertures signées Brendan McCarthy. En fait, tant du point de vue graphique que scénaristique,
je n'ai cessé de rapprocher ce Shade des premiers Sandman. Les deux titres inaugurèrent la collection Vertigo de DC, bandes dessinées audacieuses, foncièrement adultes, à
part.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Marvel. L’équipe de
mutants de la X-Force (rien à voir avec la série bourrine du même nom
créée autrefois par l'immonde Rob Liefield) est
devenue le jouet de puissants entrepreneurs. Ces derniers concoctent
de belles missions-suicides aux rebondissements édifiants, histoire de
tenir la foule en haleine et d’assurer la pérennité des
produits dérivés et autres chaînes de restaurants. Dans un monde où
toucher la gloire des doigts, c’est avoir déjà un pied dans la tombe,
les choses ne sont jamais très stables. Captain Sensible
dans sa combinaison inhibitrice, L’Anarchiste et sa sueur
radioactive, la téléporteuse Edie qui carbure aux amphés, et Spike
l’homme-hérisson l’ont vite compris.
Formidablement soutenu par le dessin très fifties de Mike Allred, Peter Milligan nous régale avec ce jeu de massacre à l’audace salutaire qui ne verse pas pour autant dans la parodie. Ici, ce sont les actionnaires et les politiques qui décident des causes à défendre, car les veuves et les orphelins ont perdu de leur impact commercial.
Formidablement soutenu par le dessin très fifties de Mike Allred, Peter Milligan nous régale avec ce jeu de massacre à l’audace salutaire qui ne verse pas pour autant dans la parodie. Ici, ce sont les actionnaires et les politiques qui décident des causes à défendre, car les veuves et les orphelins ont perdu de leur impact commercial.
On s’amuse beaucoup à voir ainsi bafoués
tant de codes. Là où Alan Moore en appellait à la nostalgie d’un âge
d’or du comics (Tom Strong, Promethea, Top Ten), Milligan nous
révèle dans quels conditions psychologiques,
économiques et politiques une équipe de justiciers masqués peut être
amenée à fonctionner. Il nous montre des superhéros dépressifs, gonflés
d’orgueil, prêts à s’entretuer pour le titre de chef
ou de grande gueule.
Ici, on trahit et on meurt quasiment à chaque
page. C'est souvent cruel mais derrière la charge et la caricature, les
personnages n’en sont pas moins touchants. Et c’est là
que le trait plein d'élégance d'Allred fait très fort. Les visages
sont beaux (aah les yeux d’Edie !) et particulièrement expressif. Ses
mutants demeurent avant tout des humains. La grande
richesse des scenarii aurait sans doute gagné à dépasser le format
22 pages du comics, les actions se succédant sur un rythme parfois
frustrant. Cette indispensable série fut assez vite retitrée
X-Statix aux États-Unis, certains lecteurs étant quelque peu indisposés par une telle mise en abîme de leur société des loisirs.
Sam Kieth, Wolverine/Hulk :
La Délivrance, 2002
Voici un livre qui peut être raisonnablement qualifié d’ovni. Ce
recueil des quatre épisodes d’une mini-série parue outre-atlantique
entre avril et juillet 2002 est écrit et réalisé par Sam
Kieth, artiste qui s’est définitivement fait un nom après avoir été révélé sur des séries comme Aliens et surtout Sandman, avant de créer The Maxx dont la
réputation flatteuse laisse espérer une prochaine édition en France.
La Délivrance est une sorte de fantaisie surréaliste qui met en scène un Wolverine presque à poils, paumé dans une étendue neigeuse suite à un crash pathétique. C’est là qu’il va rencontrer son petit prince : Po, une fillette en pyjama rose qui aura besoin de lui pour une étrange mission. Par hasard, l’ami Hulk traîne dans le coin, pas mieux vêtu, et il a la migraine. Après de douloureuses tentatives d’explications, il acceptera de filer un coup de main verte. À l’exception d’un gros ours blanc, il n’y aura pas d’autres protagonistes.
En plus d’être un récit enlevé (le scénario est d’une liberté rare) aux dialogues pleins d’esprit, La Délivrance est aussi un véritable plaisir visuel. Kieth ne craint ni la technique mixte (encre, peinture, infographie, collages) ni la stylisation à outrance de ses personnages.
La Délivrance est une sorte de fantaisie surréaliste qui met en scène un Wolverine presque à poils, paumé dans une étendue neigeuse suite à un crash pathétique. C’est là qu’il va rencontrer son petit prince : Po, une fillette en pyjama rose qui aura besoin de lui pour une étrange mission. Par hasard, l’ami Hulk traîne dans le coin, pas mieux vêtu, et il a la migraine. Après de douloureuses tentatives d’explications, il acceptera de filer un coup de main verte. À l’exception d’un gros ours blanc, il n’y aura pas d’autres protagonistes.
En plus d’être un récit enlevé (le scénario est d’une liberté rare) aux dialogues pleins d’esprit, La Délivrance est aussi un véritable plaisir visuel. Kieth ne craint ni la technique mixte (encre, peinture, infographie, collages) ni la stylisation à outrance de ses personnages.
D’une case à l’autre, leur traitement peut
brutalement changer. Les têtes s’étirent, les épaules
s’étalent, on passe du réalisme photographique au cartoon. Le
résultat est unique et parfaitement jubilatoire. Pour vous donner une
idée, on est proche ici des délires graphiques d’un Bill
Sienkiewicz ou d’un Simon Bisley (voire d’un Mark Martin
pour les connaisseurs). Le diagnostic du lecteur sera formel : ce
Sam Kieth est fou et c’est un génie.
On défie
quiconque feuillettera ne serait-ce que distraitement ces pages de
rester insensible à leur profonde originalité. Que vous soyez fan ou
allergique au comics, ne passez pas à côté. Il est vraiment
agréable de voir Marvel accueillir et éditer avec tant de soin de telles œuvres
qui échappent clairement aux critères commerciaux attendus. Du même
auteur je recommande son Lobo Vs. Batman tout
autant savoureux.
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