26 juillet 2019

Histoire permanente du cinéma américain, 1970-1972

Guess what happened to Count Dracula (Dracula Vampire sexuel), Laurence Merrick, 1970 
Un ofni que cette série Z américaine, découverte dans une copie allemande doublée en français. Là où ça devient merveilleux c'est la façon qu'ont eu les distributeurs européens d'ajouter des inserts pornos, avec la délicatesse d'un mammouth bourré au gin. Exemple : l'héroïne invite des amis chez elle pour la soirée, elle discute dans un coin avec un inconnu — en fait le Comte Adrian, vampire de son état. Jusque là tout va bien. En pleine conversation, le Comte regarde soudain hors-champ en disant un truc du style : « vos amis ont une drôle de façon de s'amuser. » Et là, le contrechamp nous montre, en toute simplicité, les soi-disant amis en train de... partouzer joyeusement ! On est dans le monde merveilleux du faux raccord, et des effets putassiers , avec la présence aussi régulière que dispensable à l'intrigue de danseuses nues. Pour ce qu'on en perçoit encore, le film d'origine est déjà bien nanar, avec ses craignos monsters au maquillage à deux roubles, la présence purement folklorique d'un vrai tigre, une scène de cérémonie pseudo-vaudou où tous les personnages deviennent soudain hystériques et hurlent pendant dix minutes « Macumba ! », tandis qu'un type sur scène gobe un lézard.

« Tout ceci est bien étrange, j'ai... comme un pressentiment... », aime à répéter l'héroïne, incapable de comprendre que ce type qui lui fait du rentre-dedans et qui vit dans un manoir envahi de toiles d'araignée est en fait un vampire, et qu'il a sûrement quelque chose à voir avec les marques de morsure qu'elle se découvre dans le cou. Le meilleur étant l'interprète du Comte en question, qui bat à plate couture les grimaces de Bela Lugosi et le froncement de sourcil du Dr Spock. On a également droit à un duel de vampires anthologique : une baston de regard démente pour savoir qui est le vrai maître, et dont on vient à se demander si des effets spéciaux n'auraient pas été oubliés en postprod. Visuellement tout le truc baigne dans une atmosphère qui oscille entre le vert et le rouge, œuvre d'un chef-op manifestement daltonien, ce qui expliquerait beaucoup d'autres choses. Ça tourne quand même beaucoup en rond, à réserver donc à un public averti, mais ça reste un 2-en-1 étonnant et parfois hilarant.



The Velvet vampire, Stephanie Rothman, 1971 
Une production New World au dépouillement intéressant puisqu'on y suit un jeune couple et une sublime femme vampire réunis pour un week-end dans une villa au cœur du désert Mojave. Prémices prometteurs mais scénario vraiment trop paresseux et qui bidonne à tout va. Les scènes de frayeur tombent à plat, alourdies par des gros effets de zoom soulignés par un accord plaqué de moog vibrant, de même que la volonté d'instaurer un certain mystère. Les scènes de nudité bienveillante, les rêves au ralenti, la musique psychédélique et les ballades en buggy nous confirment qu'on est bien face à un authentique film d'exploitation.

C'est quand même bien mou et c'est peu de dire que l'intrigue ne tient pas debout. Mais il y une espèce de simplicité et une sincérité qui rend le tout quand même attachant. Passées ces prétentions d'autrice de la part de Rothman, on suppose que Roger Corman est intervenu pour faire repartir le film sur les bons rails et donner au public les sensations qu'il attend. La fin abandonne donc toute réserve avec une course poursuite totalement pas crédible entre la vampiresse et la jeune héroïne, en plein jour et en pleine foule, avant de se conclure sur un twist aussi prévisible que rigolo.




Invasion of the blood farmers, Ed Adlum, 1972
Un film d'horreur chez les rednecks, population devenue tendance en cette année 1972 qui vit aussi le triomphe de Deliverance. Pour sa part, Invasion of the blood fermers s'impose comme un chef-d'œuvre de mise en scène qui souffle par ses nombreuses audace formelles : ces étranges, brefs et inutiles inserts, ces actions qui se déroulent en parallèle sans jamais trouver de point de jonction, ces raccords inattendus et sûrement plein de symboliques qui continuent à hanter le spectateur longtemps après le film. Sans oublier ce monumental plan-séquence plein de tension dans une chambre de motel avec un couple de jeunes tourtereaux. En terme de montage et de sophistication, on est vraiment au niveau d'un Peckinpah ou d'un Bob Fosse, ça me semble incontestable.

Et puis l'humour volontaire du film est franchement délectable, en particulier cette satire virulente du métier de flic, avec un inénarrable personnage de sheriff incompétent secondé par son adjoint poivrot. Le final est stupéfiant, revitalisant avec audace le cinéma expressioniste allemand : grands gestes, action au ralenti, interprétation habitée. Une petite pépite, vous dis-je.

Aucun commentaire: