Titan A.E., 2000
Pour ce qui est à ce jour leur
plus gros budget (75 millions de dollars), Don Bluth et Gary Goldman vont basculer vers
un tout autre univers, la science-fiction, qu'ils n'avaient plus abordé depuis Space ace. Avec ce genre très
populaire, les réalisateurs tentent de donner un coup de jeune à leur cinéma, livrant un grand spectacle distrayant mais ne prenant aucun risque, et perdant surtout toute la poésie qu'ils avaient toujours su insuffler dans leurs films. Visant une cible précise, les jeunes ados, Titan A.E. ("A.E." pour "After Earth") va tomber sans subtilité dans
les pires concessions à la mode : le héros a une attitude agaçante de gamin, une séquence de pilotage mise en scène pour racoler les gamers, et de brutales insertions de
chansons pop-rock, quand bien même Graeme Revell signe une partition ample et appréciable.
Si le film respire autant la compromission, c'est que Bluth se
retrouve une nouvelle fois à devoir gérer les ingérences de la Fox qui va complètement recalibrer
ses intentions initiales, mettant notamment la pression pour que la date de sortie
soit respectée. Blockbuster estival, Titan A.E. sera donc à l'arrivée un space opera certes spectaculaire, mais qui ne laissera hélas que peu paraître l'ambition qui a présidé à son élaboration. Sans cesse
remanié en cours de production, le scénario n'est vraiment pas
satisfaisant, les gags sont faciles et les péripéties paresseuses (à base de
trahison improbable d'un des personnages). Le tout s'achevant sur un happy end
absurde où la Terre se voit recréée en quelques minutes, passant d'un caillou
calciné à une vaste prairie à l'atmosphère respirable, avec cours d'eau et
cascades ! On envisage un temps le tout 3D, avant de se rabattre sur un
mélange 2D/3D pas encore au point et qui fera vieillir prématurément le film.
Ainsi les véhicules, décors et les nombreux effets spéciaux seront en images de
synthèse, de même que les ennemis aliens, faits d'énergie pure.
Le casting voix est quant à lui de premier choix : Matt Damon, Bill Pullman, John
Leguizamo, Drew Barrymore et Ron Perlman. Mais
leurs personnages sont tous d'une désolante fadeur, n'échappant jamais aux pires
clichés hollywoodiens. Le spectaculaire est heureusement bien là.
L'ouverture du film est impressionnante, et la suite du métrage est riche en
scènes d'action. Question animation, rien à redire, c'est maîtrisé et
impeccable, le soin accordé à la gestuelle et aux expressions est saisissant.
Au moins pour ces qualités, le film peut se regarder sans déplaisir. Une scène
sublime sort véritablement du lot : lorsque le vaisseau des héros tente d'échapper à
ses poursuivants au milieu d'énormes blocs de glace qui renvoient leur reflet.
L'action semble étrangement suspendue, et on reste fasciné par un jeu de cache-cache qui tournerait presque à
l'abstraction. Parti sur de mauvaises bases, le film est un échec colossal au box-office — à l'image des tentatives de Disney de cibler le même public, avec Atlantis puis Treasure planet — causant rien de moins que la banqueroute du département animation de la Fox (qui se renflouera néanmoins brillamment deux ans plus tard avec The Ice age). On pensait assister au renouveau de l'animation traditionnelle, or il s'agissait de ses derniers feux. On est là dans ces années décisives où les grands acteurs du cinéma d'animation vont progressivement tourner le dos à la 2D, confortés par le carton des films Pixar et du Shrek de Dreamworks. La technique d'animation a été un peu trop facilement jugée responsable de cette désaffection du public, alors que c'est avant tout la qualité des films qui aurait du être remise en question.
Pour Bluth, l'histoire se répète. En dehors de quelques
coups de chance, il aura régulièrement fait des choix de partenariat malheureux. Si
son savoir-faire et sa patte restent un délice pour les amateurs, sa filmographie aurait pu briller davantage. Il s'est battu pour pouvoir travailler en indépendant, imposer son nom comme une marque, mais il se
sera finalement toujours heurté aux exigences des différents boss qui ont
chapeauté ses projets. The Secret of NIMH demeure sans doute encore l'œuvre la plus représentative de sa personnalité.
Porteur d'énormes espoirs dans les années 80, revenu brièvement sur le devant de la scène en cette fin de millénaire, Don Bluth se fait aujourd'hui toujours attendre. Aux dernières nouvelles, il travaillerait sur l'adaptation en long-métrage de son jeu vidéo culte, Dragon's Lair. Projet a priori peu enthousiasmant, davantage porté par l'intérêt d'une fanbase que par un univers à potentiel, et dont le financement participatif stagne tristement depuis des années. Bluth aura sans doute formé plusieurs générations d'animateurs, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait véritablement laissé un héritage dans l'industrie actuelle du cinéma d'animation, son art se nourrissant à la fois de tradition et d'audace.
Porteur d'énormes espoirs dans les années 80, revenu brièvement sur le devant de la scène en cette fin de millénaire, Don Bluth se fait aujourd'hui toujours attendre. Aux dernières nouvelles, il travaillerait sur l'adaptation en long-métrage de son jeu vidéo culte, Dragon's Lair. Projet a priori peu enthousiasmant, davantage porté par l'intérêt d'une fanbase que par un univers à potentiel, et dont le financement participatif stagne tristement depuis des années. Bluth aura sans doute formé plusieurs générations d'animateurs, mais je n'ai pas l'impression qu'il ait véritablement laissé un héritage dans l'industrie actuelle du cinéma d'animation, son art se nourrissant à la fois de tradition et d'audace.
DOSSIER DON BLUTH :
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