Avec : Bernard Verley, François
Morel, Maurice Aufair, Jean-Luc Borgeat, Ariunzaya Tsogoo...
C'est l'histoire
d'une bande de vieux copains, plutôt avares de mots et riches de pudeur. Des
hommes de la terre qui ont pris pour habitude de partir ensemble en voyage avec
les économies mises de côté chaque année. Cette fois, le vieux Léon propose de
prendre le train... jusqu'en Chine. Mais il n'ont pas déjà mis le pied dans le
car qui va les mener à la gare qu'un drame va donner une toute autre couleur à
la joyeuse expédition qu'ils s'étaient concoctés.
Le film démarre par une scène de chasse dans les montagnes suisses et se finit sur un lendemain de fête dans les montagnes du Yunnan, en Chine. Entretemps, nous aurons fait escale à Berlin, Moscou, Oulan-Bator et Pekin. Les personnages vont ainsi osciller entre la tentation du dépaysement et la crainte de s'ouvrir entièrement, légitimement, à l'inconnu. Certaines situations sont parfois amenées sans trop de subtilités, mais on devine très vite qu'on n'aura pas affaire à de l'exotisme de pacotille ou à des confrontations caricaturales du type poisson hors de l'eau.
Au
Sud des nuages c'est surtout l'histoire d'Adrien, magnifiquement interprété
par Bernard Verley, et c'est vraiment à ses pas que l'on s'attache. Plein de sensibilié et pas du tout austère, le film a
ses défauts mais la crédibilité de ses personnages n'en fait vraiment pas
partie. Dès sa première apparition, François Morel (excellent) semble parti
pour incarner le bouffon de la troupe mais bientôt son personnage trouve sa
place parmi les autres. Sa relation avec Verley devient vite attachante et l'on
a envie de prolonger son séjour en leur compagnie.
La mise en scène
apparaît à première vue plutôt timide (pour ne pas dire pauvre). Sans pour
autant donner l'impression que c'est tourné à l'arrache, on sent qu'Amiguet
filme avec une équipe réduite en fonction des conditions, qu'il s'agisse de
cadrer ses acteurs dans l'étroitesse de wagons en marche ou de les laisser
s'intégrer aux populations des pays traversés. Il fait le pari assez osé pour
un road movie de garder dans un
premier temps ses distances avec l'extérieur. Avant d'arriver en Mongolie, on
aura surtout l'impression de ne voir le monde que depuis les fenêtres des
trains. C'est un peu frustrant mais cohérent, nous faisant épouser avec
justesse le regard de ces Suisses loin de chez eux.
D'incessants
imprévus vont bienheureusement faire dévier la marche et amener les personnages
à quitter leur compartiment, au sens propre du terme. On se rend alors compte que le réalisateur sait
finalement très bien faire parler ses images pour laisser deviner les pensées
de ses personnages. Les dialogues se font de plus en plus rares, et le voyage
nous fait aboutir dans la tête d'Adrien, véritable cœur du récit. J'ai un peu regretté que tout ça ne respire pas davantage. Amiguet a une histoire à raconter et il n'est pas question pour lui de trop s'écarter de son sujet. Ses deux années de repérages lui ont permis de savoir exactement ce dont il a besoin et il ne s'égare jamais vraiment sur les bas côtés. Selon moi, le film souffre un peu de sa faible durée (77'), qui nous prive de la pleine immersion. Lorsque le voyage s'achève, on n'a pas encore atteint véritablement ce point si agréable où l'on sait que l'on a perdu tous ses repères.
Mais peut-être
n'était-ce pas le but du réalisateur, car au bout de la route c'est une
histoire toute intérieure qui se révèle. Cette révélation n'en est d'ailleurs
pas vraiment une. Dispersés au cours du récit, des flashbacks — construits
comme ceux de Sergio Leone — ont vite fait d'éventer le lourd secret que porte
en lui Adrien le taciturne. La connaissance de ce qui le ronge finit par avoir
peu d'importance, on est plutôt soulagé qu'il ait pu finalement trouver les
mots pour l'exprimer, même s'il lui a fallu pour cela traverser la moitié du
globe. Mais c'est presque dommage de conclure ainsi sur ce seul voyage
intérieur, comme si les pays traversés n'avaient servi que de prétexte pour
conduire à ce retour sur soi.
Bref, ce ne fut
pas vraiment un coup de cœur parce que je lui reproche quand même certains
choix ou certaines absences de choix, mais la sincérité de sa démarche, la
qualité de son interprétation et la petite musique qu'il a laissé trotter dans
ma tête m'ont quand même donné envie d'en parler. Il faut citer également la
très belle musique du groupe Stimmhorn qui habite le film, assez inclassable et
qui respire l'ailleurs.
Le DVD d'Au Sud des nuages a bénéficié d'une
édition très soignée par Agate Éditions. En plus d'un
sympathique makingof, on y trouve un documentaire signé Amiguet sur les
peintres suisses Robert père et fils, dont la jolie écriture poétique m'a
beaucoup plu.
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