21 novembre 2017

Trois films de Ronny Yu, 1993-2006

The Bride with white hair (Jiang Hu), 1993
Très déçu par ce titre pourtant précédé d'une belle réputation auprès des amateurs, du temps où le cinéma HK était chichement distribué en France, privilège de quelques happy fews et autres festivaliers. Le film est sans doute trop court, donnant finalement l'impression d'un récit confus où se débattent des personnages qui ont trop peu de temps à l'écran pour exister, et surtout pour qu'on s'y attache. Car derrière les combats virevoltants chorégraphiés par Philip Kwok (À toute épreuve), on devine que les intentions de Ronny Yu sont avant tout de mettre à l'honneur la dimension romantique de son scénario, donc de nourrir l'empathie du spectateur. Mais la passion entre Leslie Cheung et Brigitte Lin n'est pas soutenue par grand chose et par conséquent leur relation a échoué à vraiment me toucher. De même les rapports entre Cheung et l'autorité de ses chefs, l'amour que lui porte sa sœur d'arme, apparaissent trop vite expédiés. Et je ne parle même pas de la conclusion qui, pour le coup, conclut peu, comme si on avait assisté au premier épisode d'un film à suivre — et suite il y eut, réalisée la même année par le scénariste du film. 

C'est d'autant plus regrettable que la photographie et la composition très calligraphique des plans sont vraiment belles, de même que les costumes (notamment ceux des méchants siamois) sont superbes. Brigitte Lin est magnifique et sa toute première attaque du camp avec son redoutable fouet est une séquence particulièrement réussie. Et je ne peux passer sous silence ce qui a achevé de plomber mon visionnage, à savoir cet usage du ralenti saccadé lors des scènes de combat, peut-être la figure de style qui m'irrite le plus de toute la grammaire cinématographique. C'est non seulement laid mais surtout ça rend l'action visuellement illisible et brouillonne, me maintenant personnellement encore plus à distance de ce qui se passe. Autant d'éléments qui n'aident donc pas à transfigurer un récit que j'ai définitivement trouvé peu maîtrisé dans sa conduite.




Warriors of virtue (Magic warriors), 1997
Tourné entre Pékin et Vancouver, le film correspond à cette période de transition à Hollywood où les studios se mettent à employer des cinéastes hongkongais (John WooRingo Lam, Tsui Hark, Ronny Yu parmi les principaux) inquiétés par la rétrocession de Hong Kong à la Chine. On assiste alors au mariage encore contre-nature entre deux approches du cinéma d'action, qui ne satisfait vraiment personne — comme pourrait en témoigner un Lethal weapon 4 avant que le succès de The Matrix mette définitivement les choses en place. Nulle intention de ma part de faire de ce Magic warriors, que pas grand monde n'a du voir à sa sortie, un bon film, et pourtant c'est précisément parce que je n'en attendais rien que j'ai été agréablement surpris et diverti. Le scénario a beau être puéril, il n'est pas pour autant crétin, mixant sans grand effort d'imagination des ingrédients déjà vus ailleurs, avec un teenager initié à l'art du combat par des kangourous ninjas pour faire face à la menace d'un quelconque génie du mal. 

Le casting est sans éclat, on devine un budget limité, mais l'énergie de Yu réussit à doper son film pour en faire un spectacle généreux en action (vraies et belles chorégraphies à base de combats câblés) et effets visuels pas encore envahis d'images de synthèse. Malheureusement le bilan est assez dramatiquement assombri par un nouveau recours à cet insupportable effet de montage stroboscopique qui massacre totalement la dernière demi-heure, enchaînement d'affrontements qu'on devine pourtant spectaculaire. Je ne vais donc pas non plus le survendre, et d'autres titres mériteraient sans doute davantage qu'on leur consacre notre temps, mais ça me fait quand même plaisir de recommander le visionnage de cet outsider.




Fearless (Le Maître d'armes), 2006
Les premières vingt minutes peuvent légitimement inquiéter : dialogues et situations bien pauvres, interprétation limite, décors qui jouent un peu l'épate, et on croit deviner la direction que va prendre le scénario. Les affrontements sont déjà nombreux et pourtant Ronny Yu semble avoir déjà épuisé toute idée de mise en scène. J'avoue que je me préparais donc à subir le reste du film un peu ennuyé. Le seul intérêt que je lui trouvais était de proposer une nouvelle vision de l'histoire de ce fameux maître chinois, Huo Yuanjia, qui a réellement existé et a imposé sa philosophie du combat au début du XXe siècle au sein de son école Jingwu à Shanghai. Sa mort mystérieuse à la suite d'un tournoi international a inspiré des tas de films (c'est ce même maître que Bruce Lee vengeait dans La Fureur de vaincre). 

Heureusement, une scène vient réveiller l'attention, celle de la baston au sommet d'un échafaudage. Là on retrouve enfin la folie chorégraphique de Yuen Woo Ping, les mouvements s'enchaînent avec une puissance bien impressionnante mais ce n'est encore rien comparé à ce qui fut pour moi le clou du spectacle, le duel dans une auberge désertée, d'une violence et d'une inventivité époustouflantes. Le récit devient alors un peu plus sombre, et le personnage jusqu'ici trop lisse qu'avait composé Jet Li perd clairement de son aura. Le reste du film se suit bien, même s'il verse un peu dans la mièvrerie lors d'une idylle aux champs nécessaire certes, mais filmée un peu trop niaisement. Heureusement dès qu'on revient aux tournois, le spectacle est bien là, avec son lot de bonnes idées, tel ce combat qui oppose sabre et nunchaku à trois branches. Tout le discours sur la philosophie des arts martiaux est d'ailleurs loin d'être inintéressant. Certes, le portrait qui est fait des différents occupants, notamment des Japonais, se montre peu subtil, mais prend bien garde de montrer que le déshonneur est davantage du côté des politiciens que des combattants. Malgré ses prétentions au grand spectacle, assénées notamment par une musique particulièrement pompeuse, Fearless n'est certainement pas un grand film. Mais on en sort quand même en se disant qu'on a passé un bon moment, si on apprécie ce genre, et que malgré qu'il s'agisse d'une coproduction sino-américaine, le résultat fait assez authentique.

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