30 mars 2017

Trois films d'Enzo Castellari, 1976-1989

Il Grande racket (Big racket), 1976
Au sein de la filmographie gargantuesque du mercenaire Enzo Castellari, ce polar est un modèle d'efficacité. Une bande organisée fait règner la terreur chez d'honnêtes commerçants romains, contraints de payer pour leur protection. Après avoir tenté en vain de démanteler ce réseau et parce qu'il refuse de se soumettre à sa hiérarchie, l'inspecteur Nico est renvoyé de la police. Voilà le genre de film qui semble n'exister que pour justifier l'expression "plaisir coupable". Soit une solide série B, seventies jusqu'au bout des moustaches, faisant l'apologie de l'autodéfense avec une irresponsabilité réjouissante, produit dérivé des ambitions d'un Banditi a Milano et de la permissivité à succès de Dirty Harry

Castellari n'y va en effet pas avec le dos du fusil à pompe pour nous montrer de vrais salopards bien sadiques harceler de pauvres boutiquiers sans défense, avec une police évidemment entravée par une administration castrée et des juges corrompus. Le héros lui-même (flamboyant Fabio Testi), s'avère être un flic authentiquement réac' aux relents tranquillement xénophobes : « Bientôt ce seront nous les immigrés ! », enrage-t-il après s'être fait tabasser. Évidemment il partage une virile amitié avec son partenaire, et il ne fait aucun doute pour le public que ce dernier est appelé à décéder au bout d'une demi-heure syndicale, entraînant l'inévitable désir de vengeance de notre héros. C'est violent, c'est complaisant, c'est drôle (notamment en VF, le doublage étant une mine de voix familières).

Généreux en action, le film vaut notamment le coup d'œil pour ce plan incroyable lorsque les vilains balancent Testi à bord de sa voiture dans un précipice. Castellari a placé sa caméra à l'intérieur du véhicule qui fait des tonneaux, et nous montre sans trucage le comédien tournoyer, avec tout le contenu de l'habitacle qui lui tombe dessus. Une séquence visuellement hallucinante qui provoque involontairement le fou rire. Le meilleur du film reste cependant son dernier acte, lorsque Dirty Nico décide de régler ses comptes en allant recruter les victimes des malfrats, désireux comme lui de se faire justice. Traumatisés, ils apparaissent comme autant de dangereux psychopathes : le restaurateur, dont la fille s'est suicidée suite à son viol, a constamment les yeux exorbités et la bave aux lèvres, rêvant d'exterminer la racaille par centaines ; le champion de ball-trap qui a vu sa femme brûlée vive, caresse désormais bizarrement son fusil à lunette en fantasmant de faire un carton sur des cibles humaines ; le trafiquant de drogue, qui s'est fait renverser par une voiture, arbore désormais une minerve en métal pour soutenir sa nuque brisée. Bref, c'est une joyeuse bande d'inadaptés sociaux qui se réunit pour un dernier baroud. Ça canarde méchamment, ça meurt en faisant des cabrioles au ralenti, les corps explosent et le sang gicle, soit toute la quintessence de la grammaire cinématographique du réalisateur. Rythme excellent, personnages rigolos, mise en scène musclée, excellent score pop... Que demande le peuple ?




I Nuovi barbari (Les Nouveaux barbares), 1982
Un Mad Max du pauvre qui pompe sans vergogne — mais aussi sans talent — le film de Miller, et plus précisément son deuxième volet. Quasiment pas de scénario, mais une amusante insistance à proposer quand même des scènes dialoguées qui n'ont rien à dire. Sur la Terre dévastée après un ultime conflit nucléaire, une espèce de secte menée par George Eastman (Anthropophagousa le curieux projet d'exterminer les survivants tout en déplorant qu'il n'y ait plus aucune forme de vie sur la planète (si j'ai bien compris). Face à eux, un guerrier super balèze se dresse pour porter secours aux gentils. 

Bagnoles customisées en carton, explosions de mannequins en mousse filmés sous toutes les coutures pour rentabiliser, courses-poursuites dans des carrières de la banlieue romaine (alors que la précédente incursion de Castellari dans le post-apo, Les Guerriers du Bronx, s'offrait au moins le luxe d'un véritable tournage à New York). Le plus beau étant sans doute les bruitages atroces qui accompagnent les véhicules et les coups de feu, tandis que le score, "assuré" par Claudio Simonetti des Goblin, est une horreur bontempiesque sans nom.

Débarquant de nulle part pour seconder notre héros, Fred Williamson fait des interventions franchement irrésistibles, envoyant des punchlines désarmantes destinées à prouver son statut de mâle dominant auprès des femmes. Et puis il faut le voir prendre tout son temps pour venir en aide à son copain, assemblant son arc avec une lenteur presque sadique alors que le gars en face se fait interminablement traîner au sol par un buggy. N'oublions pas l'inévitable gamin tête à claque pour compléter la galerie, et l'on obtient une série B bien idiote, heureusement pas trop mal filmée — Castellari sait composer un cadre en scope — et toujours généreuse en action.




Sinbad of the seven seas (coréal : Luigi Cozzi), 1987-89
Un film fantasy super sympa fait de bric et de broc, avec un Lou Ferrigno superstar, sourire en coin plein de charme, pectos et biceps saillants, finalement loin d'être une de ces masses de bidoche inexpressives dont est si friand le cinéma d'action. Mais si les efforts de l'acteur ex-catcheur sont louables, c'est au service d'un personnage bien risible. Dans cette histoire librement adaptée... d'Edgar Allan Poe (sic), Sinbad et ses amis (un nain, un samourai et un viking) affrontent un Jaffar de pacotille (John Steiner), planqué dans un décor aussi ridicule que son cabotinage. Un méchant qui, alors que ses plans machiavéliques ne cessent d'échouer, s'obstine inlassablement sur ses vains tours de passe-passe. 

Malgré le manque criant de conviction des figurants, les combats d'une mollesse rare sont néanmoins plutôt bien réglés. Il y a de la magie, avec manifestement des effets spéciaux pas tout à fait finalisés, plein de réjouissants craignos monsters (un monstre-rocher et un monstre-moisissure), et des jeunes femmes en détresse, sur fond de musique synthé-rock de rigueur complètement hors-sujet. L'intrigue prend l'eau de tous côtés, avec des personnages débarquant d'on ne sait où et évoquant des situations qui ne nous ont pas été données à voir. Une scène sort du lot par sa "poésie" inattendue : échoués sur l'île de la Mort, Sinbad et ses compagnons voient sortir du sable au ralenti des hommes en armure médiévale, dont l'un à cheval.


Surprise du chef, tout le film est narré par Daria Nicolodi à une petite fille dans son lit. On a donc droit pendant la quasi-totalité du film à son commentaire paraphrasant sur un ton bébête ce qui se passe sur l'écran, tandis que de son côté la gamine se permet de faire part de ses réactions, tel un pénible voisin de salle qui causerait pendant la projection : « j'ai peur... qu'est-ce qu'il va devenir Sinbad ?... il va embrasser la princesse ?... » Le film se montre d'ailleurs totalement incohérent dans le ton qu'il propose, avec notamment toute une séquence mettant en scène des zombies pirates qui est loin d'être tous publics. Ces (faux-) raccords, tournés par Luigi Cozzi (Starcrash, Les Aventures d'Hercule déjà avec Lou Ferrigno), achèvent de faire de ce truc un authentique conte à dormir debout écrit par un scénariste de 6 ans d'âge mental. En fait, cette impression d'absurdité a une explication : le produit final s'avère être un rafistolage éhonté par la Cannon d'un projet avorté de mini-série télé, Cozzi étant chargé d'assembler artificiellement et avec la rigueur qu'on lui connaît les éléments déjà mis en boîte par Castellari. Je ne peux raisonnablement croire que cette "œuvre" ait pu bénéficier en son temps des honneurs d'une sortie en salle...

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