24 février 2017

Le Palais de la découverte, l'art de la science (2/2)

Première partie de l'article ici...



Aux marches du Palais
Sans doute est-on loin aujourd'hui de l’apparence qu'avait le Palais de la découverte inauguré en 1937. Le quartier, encadré des avenues Roosevelt et Eisenhower, des statues de De Gaulle et Churchill, et d’une stèle commémorant la chute du Mur de Berlin, est un intimidant lieu de mémoire. Les expositions des Galeries nationales du Grand Palais jouent l’événementiel. Une porte ouverte sur la grande nef montre un horizon si vaste qu’il en paraît irréel. On croit voir une toile peinte. Le périmètre du Grand Palais fait peu vibrer notre sensibilité. Il impressionne. Le contourner est une manière de nous conditionner pour aborder le Palais de la découverte comme un lieu protégé. Les espaces verts et la rotonde du Panorama apportent une touche de discrétion bienvenue et reposent le regard. Malheureusement, de très laids escaliers de secours cylndriques en métal gris, greffés tout le long du bâtiment depuis le premier balcon, en défigurent un peu la façade. L’entrée du Palais se situe juste en face du restaurant Lasserre. Fait curieux, officiellement, l’adresse n’a pas de numéro de rue.

Une fois dans le hall elliptique aux proportions majestueuses, l’œil est sollicité de toutes parts. Premier directeur de l'institution, André Léveillé écrivait avec justesse dès 1937 : « Vous ne pourrez rester insensibles à la grandeur qui se dégage des puissantes colonnades qui supportent la coupole. Les grandes lignes verticales sont heureusement coupées par des horizontales qui assurent le calme et l’apaisement. » Le Palais a accueilli des générations d'écoliers, qui déambulent ainsi chaque jour par grappes jusqu'aux balcons. Alors que des sons indéfinissables résonnent dans le vaste hall, des images en mouvement sont projetées sur le sol et sur les montants des vastes arcades. Sous nos pieds, une mosaïque (très en vogue autour de 1900) dessine des motifs végétaux style arts déco. Au sommet, trône l’énorme coupole de verre soutenue par du béton. Trois autres coupoles plus modestes sont aménagées l’une en planétarium (aile Sud, 15 mètres de diamètre, 200 places, plusieurs séances thématiques par jour), l’autre en salle d’optique (aile Nord). La plus petite (coin Sud-Est) abrite la salle du nombre π.

Régulièrement contesté dans sa pédagogie et menacé dans ses moyens, le Palais de la découverte se voit renforcé en 2010. L'édifice se voit en effet associé à la Cité des sciences et de l'industrie de La Villette au sein d'un nouvel établissement public baptisé Universcience. Divisé en huit sections (astronomie, chimie, mathématiques, physique, sciences de la terre, sciences de la vie, numérique, salle eurêka), il accueille en moyenne 700 000 visiteurs par an, dont 20% de scolaires.




Palais ou Temple ?
La réussite de l’exposition de 1937 (3 millions de visiteurs), prolongée de deux ans, assure la pérennité de l’invention de Jean Perrin. Face à l’intérêt toujours vivant de la population pour la culture scientifique, et à la régularité de la fréquentation depuis 80 ans, nous pouvons nous demander si ce lieu ne serait pas finalement plus proche du temple que du palais. En effet, ce qui préside à sa création est l’apologie d’une "mystique populaire" selon laquelle « la Science, par l’entremise des découvertes, assurera l’affranchissement des hommes. »  (texte de présentation du Palais). D’ailleurs, pour Perrin, les visiteurs se sont montrés face aux expériences, « respectueux comme on l’est dans une église. » Le temple a même ses idoles — la machine électrostatique, le planétarium et l’homme de verre — présentes dès 1937 et dont le succès n’a jamais été démenti, nourrissant pour longtemps les souvenirs du public. Ce modèle d’un lieu voué à la communion des fidèles autour de la science a fait des émules dans le monde (La Cité des sciences bien sûr, mais aussi l'Exploratorium de San Francisco, l'Exploradôme de Vitry-sur-Seine ou le Quai des savoirs de Toulouse).



Palais ou Cirque ?
Le Palais de la découverte souhaite offrir une relation directe avec la science. On devine la nécessité d’une installation électrique solide et d’un matériel à l’épreuve des manipulations infantiles quotidiennes. Panneaux explicatifs, expériences “presse-bouton”, médiateurs scientifiques rompus aux calembours. C’est ici que l’aspect forain du Palais est le plus tangible. Le public est invité à participer. La vulgarisation scientifique (la fameuse « science en train de se faire ») est alors proche du spectacle. La localisation de la salle d’électrostatique, où les cheveux longs se dressent, est par exemple facilitée par les rires que provoque l’expérience. Des vedettes parrainent à l'occasion certaines expositions-événéments, tenant parfois plus de l'attraction que de la rigueur scientifique.

Devant l’accumulation des sujets d’expérience, on finit par vaquer au hasard, manipulant au passage un écran tactile ou un objet-jeu, plus par curiosité que pour comprendre. L’appel du bouton rouge et la recherche du spectaculaire prennent le pas sur la lecture des notices explicatives. Le risque est grand alors de croire que « pour comprendre les acquis de la science moderne, il suffirait de voir, de toucher, de s’émerveiller. »[1] Car la science est le fruit d’un travail patient et acharné. Les séances de scolaires au planétarium peuvent à l'occasion être agitées, mettant à rude épreuve la patience des conférenciers. Au moins la sortie aura été l'occasion de se distraire et d'approcher la science sous un jour positif. Des prix Nobel de renom ont souvent témoigné tout ce que leur vocation devait au Palais. Avec une relative modestie de moyens — certaines installations affichent plusieurs décennies d’existence — mais beaucoup d’ingéniosité, grâce à la passion manifestée par les nombreux médiateurs rencontrés, « science et expérimentation se rejoignent pour notre plus grand plaisir », comme le dit le magicien Gérard Majax. Cette relative innocence, ce positivisme bon enfant (donc pas benêt) très IIIe République, forcent plutôt la sympathie. Nous sommes persuadés du caractère instructif des dispositifs du Palais. La séance au planétarium a été pour nous un beau moment de retour à une fascination de jeunesse, les étoiles.


Fermeture
Installé au cœur de Paris, dans un quartier éminemment touristique, logé par un édifice symbole de la capitale, le Palais de la découverte jouit toujours d’un franc succès. Malgré la concurrence non négligeable de la Cité des Sciences et de l’Industrie et des divers parcs d’attractions pseudo-scientifiques (Futuroscope), il attire toujours autant enfants et adultes, groupes scolaires et individuels, franciliens et provinciaux, filles et garçons. Il n’a jamais cessé de suivre à la lettre son programme, fidèle à Jean Perrin et à une République soucieuse de favoriser l’accès à la culture et au savoir au plus grand nombre. Son souvenir reste présent dans toutes les mémoires d’écolier.

Visuellement, grâce aux travaux qui lui ont définitivement rendu son espace intérieur, le Palais de la découverte peut à son tour témoigner des arts décoratifs de son temps. Son titre de “palais” est bien légitime. La cohabitation entre l’architecture d’un bâtiment né avec le siècle et la présentation d’expériences rendant compte des avancées les plus récentes de la science n’est sans doute pas pour rien dans ce qui fait son charme. C’est d’ailleurs dans les combles, des mansardes au toit en pente, que les ateliers de menuiserie et de mécanique élaborent et réalisent les ingénieux prototypes qui viendront prendre place dans les espaces d’expositions, confiés aux mains avides de savoir des visiteurs de tous âges. Là, le spectateur est Roi tout autant que la science.



BIBLIOGRAPHIE :
Pierre Cabanne, Nouveau guide des musées de France, Larousse, Paris, 1997
Chantal Georgel (sous la direction de), La Jeunesse des musées, Éditions de la RMN, Paris, 1994
Jean-Pierre Maury, Le Palais de la découverte, Découvertes Gallimard, Paris, 1994
Gilles Plum, Le Grand Palais, l’aventure du palais des beaux-arts, Éditions de la RMN, Paris, 1993



[1] Fabrice Noval et Fabrice Guého, Contre la culture gadget, in Libération, 14/09/1994

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