9 décembre 2016

Le Monde animé de Don Bluth III. 1988-1989

The Land before time (Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles), 1988
Conscient de disposer d'une poule aux œufs d'or après l'énorme succès de FievelSpielberg (dont on connait le goût pour les dinosaures) prolonge son association avec Don Bluth et le nouveau studio qu'il a mis en place en Irlande. Ils sont rejoints par l'ami George Lucas, et confient une nouvelle fois la bande originale à James HornerC'est donc une véritable dream team qui met en chantier The Land before time.

Au-delà de son environnement qui semble développer sur la durée d'un long-métrage le segment préhistorique de Fantasia, The Land before time fait preuve d'assez peu d'audace dans sa trame, racontant l'histoire classique d'un petit herbivore qui perd ses parents, rencontre de nouveaux amis et doit affronter en la personne d'un T-rex les obstacles de l'existence. C'est donc un peu Bambi chez les dinos, une trame tellement basique que Disney s'en resservira quelques années plus tard pour son propre Dinosaur. De même, l'attention portée à la découverte du monde par un personnage innocent n'est évidemment pas sans rappeler le personnage de Fievel. Mais là où le souriceau s'efforçait de décrypter les mensonges d'un monde d'adultes, Littlefoot est ici surtout entouré de mignons petits dinosaures multipliant les cabrioles.

Malgré des personnages au design pas très heureux, où l'anthropomorphisme révèle ses limites, le film propose des atmosphères visuellement souvent réussies, témoignant une nouvelle fois du style graphique si poussé et si expressif du réalisateur. Il contient son lot de scènes spectaculaires et traumatiques, à base de cataclysmes, morts poignantes de personnages importants et prédateurs féroces. Au point que Spielberg et Lucas trouvèrent cette approche trop effrayante pour le public visé et imposèrent d'importantes coupes, qui affadirent davantage le film. Parti pour conquérir son indépendance, Bluth se retrouve donc avec ses encombrants parrains privé d'une partie de sa liberté créatrice, et les reproches autrefois faits à Disney semblent désormais guetter son cinéma. Le succès public est néanmoins une nouvelle fois au rendez-vous, et sa popularité entraînera pas moins d'une douzaine de suites, destinées au marché video donc de qualité médiocre et sans aucune participation des créateurs d'origine.




All dogs go to heaven (Charlie), 1989
Même si grâce à Spielberg, ses films ont pu rencontrer leur public et se rentabiliser, Bluth préfère tourner le dos à Amblin et Lucasfilm, espérant retrouver une pleine liberté artistisque. Lui qui s'est battu dès le début pour avoir son nom en gros sur l'affiche veut pouvoir entièrement assumer ses œuvres. Formidablement ambitieux, son studio basé en Irlande mène plusieurs projets en parallèle, selon le modèle Disney, afin d'être régulièrement présent sur les écrans. Premier titre à sortir, All dogs go to heaven est un film que j'aime beaucoup, plein de fantaisie. Même s'il met à nouveau en scène un personnage de gentille orpheline, et même s'il a des allures de remake de Heaven can wait (de Warren Beatty) ou Switch (de Blake Edwards)ce nouveau long-métrage propose un mélange d'ingrédients assez original, où le merveilleux et le fantastique ne nuisent pas à la justesse des émotions. 

Capable de parler aux animaux, la jeune héroïne va faire la rencontre de Charlie, un sale cabot, gentil voyou — excellement doublé par Burt Reynolds — qu'on a vu mourir au début du film, et qui est renvoyé sur Terre pour laver ses péchés. Contraint de jouer l'ange gardien de la petite fille, cet authentique antihéros espère ainsi accéder au Paradis des chiens. Aussi roublard que foncièrement sympathique, Charlie est entouré de ses potes chiens magouilleurs, personnages secondaires tous très attachants, à l'humour jamais lourd, et leurs relations sont développées avec une profondeur bienvenue. Fable morale assumée, le film échappe à la mièvrerie justement par le choix de cet environnement de bas-fonds et de décors désolés, où règne la pègre et les déclassés. L'action, située dans les années 30, permet à Bluth de mettre enfin au premier plan des personnages humains, et l'animation de la petite Anne-Marie bénéficie d'une délicatesse absolument exquise. Le fantastique n'est néanmoins pas absent, et on a à nouveau droit à d'impressionnantes et très belles visions lorsque Charlie est renvoyé du Paradis pour atterrir sur un lac de lave symbolisant les Enfers. Le genre de séquences que seule l'animation permet de porter avec autant de poésie à l'écran. Le rythme est enlevé, plein de péripéties et de moments touchants. Les numéros musicaux reviennent en nombre mais peinent à marquer les mémoires. 

Au cours de cette décennie 80, les productions de Don Bluth ont profité du relatif creux de la vague dans lequel vivotait Disney son principal concurrent. Cette période est révolue.  L'année 1989 marque en effet le retour inespéré du studio de Burbank qui, avec La Petite sirène, fait un carton et retrouve pour longtemps un nouveau souffle. Bluth est brutalement plongé dans l'ombre et, sans non plus être un échec commercial, Charlie devra véritablement attendre sa sortie en vidéo pour rencontrer son public. Le film apparaît retrospectivement comme sa dernière grande réussite, peut-être la dernière occasion qu'il a eu de faire pleinement entendre sa voix si singulière.



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